Décidément, les Fécampois sont des gens privilégiés, il est rare, en effet, que leurs fêtes soient contrariées par des intempéries. Hier, nous avons joui d’un beau soleil d’été, dont l’ardeur était tempérée par une de ces brises douces et légères que connaissent seuls les bords de la mer.
Il eut été dommage qu’il en fût autrement, car les efforts réalisés par chacun méritaient d’être récompensés, ils le furent d’ailleurs, car la fête obtint un éclatant succès.
De longue date, on n’avait vu une si nombreuse affluence en notre ville. Dès le matin, la foule accourait vers Fécamp. Partout, les autos circulaient, venant de tous les environs, et même de villes éloignées. Le train spécial des sourds-muets du Havre amenait à lui seul 950 voyageurs, parmi lesquels nombre de membres du cercle d’études Havraises et d’anciens combattants.
Hôtels et restaurants étaient pris d’assaut, et c’est au milieu d’une triple haie de spectateur bordant chaque côté des rues et des boulevards, que les chars défilèrent. La digue était noire de monde. Sur tout le parcours, les fenêtres et balcons étaient garnies de spectateurs. Partout, c’était l’entraînement, la gaieté, la joie.
Mais n’anticipons pas et procédons par ordre.
Toute la ville, depuis la veille, était décorée de drapeaux et de guirlandes. Les bateaux, dans le bassin Bérigny, avaient eux-aussi reçu leur part d’ornement. Les rues étaient déjà en fête, car on savait que de jolies choses se préparaient.
La retraite aux flambeaux, organisée samedi soir par le comité des Hallettes, avait déjà été l’indice de l’ampleur que prendrait la fête. La vaillante clique de la “Lyre Maritime”, conduite par M. Vaillant, entrainait à sa suite toute une cohorte de nos compatriotes. Dans les rues traversées, principalement dans la rue Arquaise, les habitants témoignaient leur plaisir en allumant sur le bord de leur fenêtre des feux de bengale qui éclairaient d’une façon pittoresque le défilé.
Le concert de trompes de chasse donné par les mêmes musiciens, fut très suivi et applaudi. À n’en pas douter, Fécamp s’entrainait pour le lendemain.
Lorsque, de très bon matin, nos compatriotes eurent été réveillés en fanfare, par les “Volontaires des Hallettes”, chacun se précipita à sa fenêtre, examinant le ciel. Allons, ça irait bien. Et ce fut avec empressement et même une certaine fébrilité que les derniers préparatifs furent poussés à leur fin.
Les promeneurs circulaient déjà nombreux et profitaient de leur temps libre pour visiter les monuments et quelques établissements industriels de notre ville.
Les Fanfares invitées arrivaient, jouant les airs les plus gais.
D’autre part, la longue colonne de l’Amicale des Sourds-Muets du Havre traversait les voies principales de la ville, se rendant à l’Abbaye et, de là au Monument aux Morts déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des enfants de Fécamp morts pour la France. L’amicale avait été précédée, dans l’accomplissement de ce pieux devoir, par la “Musique Municipale d’Yvetot” qui, également, déposa une gerbe au pied du monument et fit entendre la Marseillaise.
À midi, chacun rentrait chez soi avec célérité, afin de ne pas manquer le Départ du “Grand Cortège fleuri”.
Dès 13 h 30, la foule est groupée depuis la place des Hallettes jusqu’au bout de la route de Rouen pour voir la formation des divers groupes.
Du haut de la rue des Forts, le spectacle est saisissant. De cet endroit, la vue embrasse jusqu’au point de la route de Rouen, où le cortège s’organise.
Place des Hallettes c’est l’affairement de la dernière minute, c’est une véritable fourmilière. Les chars arrivent de tous les côtés, les musiques s’entremêlent, les commissaires s’empressent. C’est un tableau vivant et animé.
Toutes les boutonnières sont fleuries de pâquerettes dont les vendeuses sont amplement pourvues et qu’elles offrent avec beaucoup de gentillesse.
En passant les curieux admirent, à la devanture du Café Durand, la maquette en relief très réussie du paquebot Normandie, due au talent de M. R. Acher, et à celle de M. Aubé, épicier, un intérieur de ferme cauchoise du meilleur effet.
Il était tout juste 2 heures, lorsque parmi la foule massée depuis la rue P.-C. – Périer et la rue des forts, on entend soudain crier : “Le voilà, c’est lui”
- Lui, qui donc ? – Maître Devaux, voyons !
En effet, fièrement campé sur un beau cheval noir et blanc, maître Devaux, revêtu de la culotte blanche collante – qui ne fait pas un pli – de la redingote et de guêtres noires ; coiffé de son superbe “huit reflets”, Maître Devaux s’avançait avec majesté, souriant à la ronde.