L’année suivante, une vaste construction en maçonnerie remplaçait l’édifice léger, si promptement détruit. L’histoire nous apprend que c’est grâce à l’aide de Suma Sabatier Architecte-ingénieur, et également directeur de l’établissement détruit, que la Société des Eaux de Fécamp, avait repensé la conception des bâtiments ; l’idée étant de conserver la partie d’hydrothérapie, mais de développer l’importance de la partie Casino.
En mai 1859 neuf mois après l’incendie du 30 août 1858 qui l'avait totalement détruit, la ville de Fécamp annonçait que son nouveau Casino serait ouvert le 1er juin suivant, et précisait :
“La coquette élégance et le grandiose du Casino, ses spacieux salons, le luxe des décors, l’étendue des galeries et des terrasses etc. feront l’admiration des étrangers qui nous visitent.”
Nous avons trouvé une description assez précise des nouveaux bâtiments, grâce à Louis Nicolle, dans son article paru dans le 1er numéro de La Plage Normande daté du 15 juillet 1862 :
L’hôtel des Bains s’étend parallèlement à la plage sur une longueur de 200 mètres. Il se compose de deux pavillons reliés entre eux par une immense salle à manger derrière laquelle s’étendent les cuisines et l’office. On trouve dans cet hôtel des chambres et des appartements complets décorés avec goût. Il est tenu cette année par M. Lemasson, dont le nom bien connu des gourmets parisiens, promet une bonne table, ce qui n’est pas à dédaigner.
Le Casino fait suite à l’hôtel. Il offre un vaste salon dont d’énormes glaces augmentent encore les dimensions ; c’est là que se donnent les grands concerts et les bals ; l’on y joue des opérettes et des proverbes. À côté le salon des dames s’ouvre sur une interminable galerie où, à des heures désignées, l’orchestre exécute des symphonies et des ouvertures ; le cabinet de lecture, l’estaminet, les salles de jeux complètent l’ensemble. A l’extrémité de la vaste terrasse qui domine la mer, les bains chauds se dessinent en demi-circonférence. (très réduits ainsi que l'on peut le constater sur la gravure) Plus loin on trouve un grand gymnase couvert et un tir au pistolet. Enfin derrière l’établissement, on a tracé dans le gracieux vallon de Renéville, un délicieux jardin avec une cascade et un bassin alimentés par les sources de Grainval. Tout autour sur les versants, se dressent de gentils chalets ; ce sont des charmantes habitations d’été.
Le Casino est dirigé par M. le docteur Bécourt, qui se montre désireux de satisfaire aux exigences de la nombreuse clientèle que son administration garantit à l’établissement de Fécamp.
Nous ne devons oublier qu’un maître baigneur, Morillon, a dressé un tout petit établissement auprès des corderies, et qu’il donne des bains à la lame.
Source : La Plage Normande N° 1 du 15 juillet 1862 - Collection J.-P. Durand-Chédru
Ainsi que nous l’avions annoncé, a eu lieu à Fécamp l’inauguration du magnifique établissement de bains et du casino, édifiés sur le même emplacement que les anciens bains, si malheureusement détruits par un terrible incendie l’année dernière.
Dès le matin, les trains du chemin de fer avaient amené un grand nombre de personnes des environs de Fécamp, désireuses d’assister aux fêtes auxquelles l’inauguration des bains allait donner lieu. Les navires amarrés dans le bassin de Fécamp étaient tous pavoisés, ainsi que la plus grande partie de la ville.
À quatre heures, un train spécial, organisé par la Société des Eaux de Fécamp, a amené environ 150 invités de Paris, de Rouen et du Hâvre, parmi lesquels se trouvaient M. de Plancy, délégué par le prince Jérôme-Napoléon pour le représenter à la cérémonie, et M. le sous-préfet du Havre. Ces personnes ont été reçues à la gare par la Compagnie des sapeurs-pompiers de Fécamp et le corps des douaniers qui ont fait escorte jusqu’au bord de mer. L’établissement de bains et le casino, dont la rapide réédification et la réorganisation sont dues à M. Sabatier, directeur de l’ancien établissement détruit par le feu, sont placés comme ce dernier en bas de la falaise et à la bouche de la vallée de Renéville. Les deux côtés de cette vallée sont couverts par de nombreux et élégants chalets élevés en amphithéâtre et faisant face à la mer.
Les bâtiments du nouvel établissement forment deux parties distinctes, le Casino et l’Hôtel des Bains, magnifiquement meublés et décorés, reliés entre eux par un long bâtiment servant de salle à manger, dont le toit forme une belle terrasse faisant face à la plage. À cinq heures, les canons placés dans le vallon de Renéville ont fait entendre une salve d’artillerie de vingt-et-un coups pour annoncer l’arrivée du clergé de l’abbaye de Fécamp, qui avait bien voulu procéder à la bénédiction des nouveaux bains. Après la cérémonie religieuse, un banquet de deux cents couverts a réuni dans la salle à manger de l’hôtel des bains cent cinquante invités de Paris, du Havre et de Rouen, l’administration locale et les principales autorités de l’arrondissement du Havre.
À la chute du jour, des illuminations splendides ont éclairé toute la façade de l’établissement, au jardin duquel les mâts vénitiens et les girandoles donnaient le plus bel aspect. La ville a été également illuminée. Un bal a suivi le banquet. Entre ces deux parties de la fête, qu’un temps magnifique a favorisée, un très beau feu d’artifice a été tiré des hauteurs de Renéville. La fête s’est prolongée fort avant dans la nuit, laissant à tous ceux qui ont eu le plaisir d’y assister les plus agréables souvenirs de la brillante hospitalité de l’administration des bains pour ses invités.
Source : Journal de Rouen Archives départementales de Seine-Maritime.
Ce tout nouvel établissement, avec ses possibilités accrues, démarre sa saison bien tardivement. “Les Bains de Mer” commencent, traditionnellement au 15 juin pour clôturer le 15 septembre, la Compagnie des Eaux propriétaire a-t-elle mis à disposition de son directeur M. Sabatier les moyens nécessaires, pour faire évoluer l’établissement vers plus d’animations, afin d’attirer les Baigneurs ?
Nous en doutons ! l’histoire nous apprend que seul, un “maigre orchestre” composé de quelques cuivres, s’essayait à quelques concerts ou bals.
La saison 1859, financièrement catastrophique, et 1860 qui ne sera guère meilleure, vont provoquer la déclaration de cessation de paiement. Le docteur Bécourt, attaché à l’établissement thermal, obtient en octobre 1860 un “bail de faillite” pour deux ans.