L’année 1861, les interminables procès, consécutifs à la faillite de l’établissement retardent le travail du docteur Bécourt, au demeurant, sans doute plus efficace à l’organisation des soins de thalassothérapie, qu’à l’organisation des festivités.
Pour la saison 1862, il recrute un musicien M. Chemin. Le Concert du 13 juillet (à 3 heures), interprété par l’orchestre dirigé par le nouvel engagé, parait être d’une bonne tenue” pour Joachim Michel qui écrit :
La composition et l’organisation des concerts du Casino de Fécamp ont été confiés à M. Chemin. L’excellente idée qu’on a eue là. Il a choisi des artistes habiles et qui plus est, un chef d’orchestre capable et zélé.
Les concerts du soir, dont le répertoire est parfaitement choisi, ont été applaudis comme ils le méritaient. Nous voilà à l’abri de ces formidables hurlements de cuivre qui nous ont fait de si belles peurs l’an passé. Les nuances sont scrupuleusement observées, ce à quoi on ne nous avait pas habitué.
Chaque exécutant de ce septuor remplit dignement et sérieusement sa tâche. L’ensemble est des plus satisfaisants….De pareils éléments assurent d’agréables soirées. M. Chemin promet des quatuors d’instruments à cordes, des trios de hautbois, harmonium et violoncelles etc., etc.
L’orchestre se fait entendre depuis huit jours ; avec lui ont commencé les réunions agréablement suivies.
Dimanche, jour de début des artistes de M. Chemin, il y avait foule au Casino ; les galeries et la terrasse étaient animées.
Jeudi, le soleil avait daigné paraître, et le Casino offrait encore un joyeux coup d’œil, quoique la réunion fut moins nombreuse que dimanche, car on remarque avec regrets dans la semaine l’absence presque complète de l’élément fécampois.
On avait un peu perdu, les années dernières, la route du Casino ; le présent ne peut avoir rien de présent avec le passé ; aussi reprenons franchement cette route … surtout quand de la bonne musique nous attend.
Les éléments précieux que renferme l’orchestre, dont l’ensemble est bon, ne fera que gagner avec le temps, et les principaux solistes possèdent un délicieux talent. À cette vaillante phalange viendra s’adjoindre, le 23 du présent mois, une petite troupe définitivement composée de Mlles Durand, dugazon ; Vignerot, chanteuse légère ; MM. Gerpé, ténor-comique ; Derval, baryton.
Malgré un temps maussade – les chroniqueurs de l’époque nous parlent d’intermittence de pluie et de soleil, ainsi que de pluie, vent et soleil –
Les baigneurs sont nombreux, les longues tables du restaurant du Casino sont chaque soir bien garnies ; l’Hôtel et les chalets laissent voir à leurs fenêtres de nombreux et frais minois. . L’orchestre du Casino bien composé et bien dirigé comptant des artistes d’un grand talent, satisfait les plus difficiles. On ne se plaint pas trop, on est donc satisfait.
La Plage Normande du 24 août 1862 - collection J.-P. Durand-Chédru
Après le concours de musique de 24 août, le dimanche 7 septembre, ce seront les régates organisées par l’Établissement de Bains de mer :
Ces joutes nautiques, qui développent parmi la jeunesse de nos ports les goûts maritimes, qui excite parmi nos marins et nos constructeurs une émulation salutaire, qui manquait à Fécamp. Aujourd’hui la lacune est comblée.
Dès le matin, un temps sombre et pluvieux, une mer houleuse, ont fait craindre un instant pour le succès de notre fête ; mais heureusement, vers le milieu de la journée le temps et la mer ont été d’assez bonne composition pour permettre à la foule de spectateurs d’accourir sur la plage et aux embarcations légères de prendre la mer ….
La Plage Normande du 7 septembre 1862 - collection J.-P. Durand-Chédru
Les adieux de l’orchestre ont été, samedi dernier, dignes des artistes et du public. Dignes des artistes, car les uns ont délicieusement détaillé cette immortelle ouverture de Guillaume-Tell, une des perles du répertoire lyrique ; et les autres ont intelligemment et gaiement enlevé les Noces de Jeannette et le 66. Là, Gerpré, Mlle Durand et M. Duval ont été, comme toujours, vivement applaudis.
Dimanche, les adieux ont eu leur lendemain et l’orchestre s’est fait entendre dans le jour et le soir. Ouvertures et solos ont été largement prodigués, et le nombreux auditoire qui donnait encore au Casino cette animation des bons jours n’a eu qu’à applaudir.
Et pour conclure sur cette saison 1862 :
La saison qui vient de s’écouler, malgré les jours de vent et de pluie qui l’ont attristée, n’a point été défavorable à notre plage et notre établissement a reçu des hôtes nombreux. Comme les établissements rivaux il a eu à souffrir quelque peu, il est vrai, d’une saison trop tardivement commencée et trop hâtivement terminée ; mais comme eux il a eu ses bons jours …
….Le bail que M. le docteur Bécourt a obtenu de la faillite expire, si nous nous ne trompons, à la fin d’octobre ; et les syndics se proposent de mettre en vente l’établissement dans un délai peu éloigné. Si nous sommes bien informés, les acheteurs ne feront point défaut.
La ville de Fécamp, qui n’a malheureusement sur son établissement d’autre droit que celui de s’intéresser à son sort, en est donc à lui souhaiter des administrateurs définitifs qui joignent à la folle expérience des affaires cet esprit de conciliation et ce tact sans lesquels il n’est point de bonne administration.
Louis Nicolle dans La Plage Normande du 28 septembre 1862. Collection J.-P. Durand-Chédru