Comment commencer cette évocation qui prend ses sources avec l’actualité, sans nous remettre en mémoire les faits marquants de l’époque ? L’avènement de la seconde République proclamée par Lamartine, est indiscutablement un des grands “tournants” de l’histoire de la France, tant au niveau politique que culturel. Le but n'est naturellement pas de réécrire ce qui existe déjà, le texte ci-dessous est un condensé de ce que l’on peut trouver dans les “bons manuels d’histoire”.
Sur le plan politique :
L’Europe est en crise, l’hiver 1847-1848 est d’une telle rigueur que les ouvriers berlinois meurent en grand nombre. En Irlande la famine fait un million de morts ! En France, les inondations sont catastrophiques, les récoltes de pommes de terre et de blé sont mauvaises. 50% des ouvriers du textile sont au chômage, les faillites se multiplient et tous les jours des usines ferment, le nombre de chômeurs dépasse un million pour environ trente-cinq millions d’habitants.
Cependant un grand élan patriotique conduit par le poète Lamartine va rendre au peuple l’espoir qu’il avait perdu : sa condition va s’améliorer, il en est sûr ! Mais comment faire ? Le gouvernement de Guizot est coupé des réalités par un système électoral qui approuve automatiquement tout ce qu’il fait. L’opposition décide alors de lancer une grande campagne de banquets, seul moyen selon elle de diffuser des idées de réforme dans une France où le parti bourgeois surveille tout. Organisés au nombre de soixante-dix, ils vont conforter l’idée que tout peut changer avec un peu d’audace ! Guizot, et le roi informés de la situation, ne veulent rien entendre. Il est alors décidé d’organiser à Paris un grand banquet qui sera suivi d’une manifestation. Malgré l’interdiction de ce dernier, le 22 février 1848 la foule se rassemble de La Madeleine au Palais-Bourbon, des incidents éclatent et font un mort.
De nouvelles manifestations, le lendemain, demandent la démission de Guizot on veut la réforme du code électoral, et même le suffrage universel ! Guizot est donc le jour même renvoyé. Les manifestations ne s’arrêtent pas pour autant le lendemain 24 février, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils le comte de Paris.
C’est le poète Alphonse de Lamartine, qui œuvre depuis des années pour les classes populaires, qui va former le gouvernement provisoire. Le 25 février, la République est proclamée. Tout va alors très vite : La chambre des députés est dissoute, celle des pairs est dispersée. Le principe du suffrage universel est adopté. Le droit au travail est proclamé, sur la proposition du théoricien socialiste Louis Blanc. L’esclavage dans les colonies est aboli, l’écrivain et ministre Victor Schœlcher fera appliquer cette décision. La liberté de presse est rétablie, celle de se réunir est de nouveau accordée, au grand bonheur de tous ceux qui créent et vont développer des clubs politiques. La peine de mort pour délit politique est abolie, l’emprisonnement pour dettes est supprimé.
L’enthousiasme est considérable ! Lamartine orchestre ce vaste élan romantique où les bourgeois et les ouvriers, main dans la main, croient que le grand soir est arrivé.
Le 26 février des Ateliers nationaux de 40 000 ouvriers destinés à résorber le chômage, sont créés, la Commission du Luxembourg, composée de délégués ouvriers, se met en place sous l’autorité de Louis Blanc. La belle entente et l’accalmie seront de courte durée, la Chambre est dissoute, des nouvelles élections, au suffrage universel, qui est maintenant effectif, donnent une forte majorité aux républicains modérés et aux monarchistes ! Les ateliers nationaux ont fonctionné deux mois, et donné du travail pour quelques jours à des milliers de chômeurs, ils deviennent des foyers de révolte, ils sont supprimés le 21 juin 1848.
Le 23 juin des centaines de barricades barrent les rues, le 24 l’état de siège est proclamé, 50 000 insurgés sont encerclés le 25. Le lendemain 26 juin, les troupes donnent l’assaut qui fait des milliers de mort parmi les révoltés, et 900 chez les assaillants, de la province, qui demeure tranquille, George Sand déclare “ J’ai honte aujourd’hui d’être française, je ne crois plus en une république qui commence par tuer ses prolétaires !” Le 28 juin Cavaignac est nommé président du Conseil, les députés travaillent à la rédaction d’une constitution, imitée de celle des États-Unis, elle est adoptée le 4 novembre 1848. Une assemblée unique possède le pouvoir législatif, un président de la République sera élu pour quatre ans au suffrage universel, mais ne sera pas rééligible, afin d’éviter tout retour à des formes de dictature.
C’est alors que surgit le prince Charles-Louis Bonaparte évadé du fort de Ham, et qui rentre de Londres où il s’était réfugié. “ Mon nom, dit-il en proposant sa candidature pour les élections à la présidence de la République, se présente à vous comme un symbole d’ordre et de sécurité ! ” Pourtant à Paris, la silhouette, l’allure empruntée et timide du neveu n’impressionnent guère. On le trouve même ridicule. Lamartine le qualifie de chapeau sans tête et Ledru-Rollin d’imbécile ! Les 10 et 11 décembre 1848 les élections ont lieu, le 20 décembre, les résultats définitifs sont proclamés : l’imbécile obtient 74,2% des voix, Cavaignac, 20%, Lamartine 1%
Les événements de juin 1848, qui ont eu lieu à Paris, n’ont guère été suivis en province.
À Fécamp ville de plus de 10.000 habitants les maires sont nommés par le préfet, Théagène Boufart a été nommé maire le 7 mars 1848, il a succédé à Jean-Louis Le Clerc en poste depuis 1821. Son mandat sera bref, seulement de 7 mois, avant d’être remplacé le 9 octobre 1848, par Jacques Huet. Le nouveau nommé, va vite être confronté aux difficultés. Les 16,17 et 18 octobre, Fécamp connaît trois journées d’intense manifestation avec : “l’affaire des farines”.
À l’élection du président de la République le 10 décembre les résultats du canton de Fécamp sont (très) différents des résultats parisiens :
C’est Eugène Cavaignac avec 42% des suffrages qui arrive en tête, devançant de peu Louis-Napoléon Bonaparte qui obtient 41,5%. Jacques Huet est, à son tour, remplacé le 4 octobre 1850 par Eugène Régimbart. Né à Rouen le 20 juillet 1805, ce dernier a été admis à l’agrégation en 1830, il est avocat ; et a pour premier adjoint Pierre Sautreuil.
En 1850, Fécamp va vivre un événement, qui s’avérera déterminant pour son avenir, l’Association Normande va venir y tenir son congrès annuel.
L’Association Normande était une de ces sociétés savantes qui ont fait leur apparition à la fin de la première moitié du XIXe siècle, elle avait été créée par Arcisse de Caumont en 1832 à Caen. L'article premier de son règlement est sans ambiguïté :
“L’Association Normande a pour but d'encourager les progrès de la morale publique, de l'enseignement élémentaire, de l'industrie agricole, manufacturière et commerciale dans les départements de l'ancienne province de Normandie”.
On lisait dans la lettre de convocation :
“Les séances générales de l'Association s'ouvriront, cette année, à Fécamp, le 17 juillet, à sept heures précises du matin, dans la grande salle de l'hôtel-de-ville, que M. le maire de Fécamp a bien voulu mettre à la disposition du Conseil d'administration.” La session durera jusqu'au 21 juillet :
“Le 17, l'Association s'occupera de l'enquête morale, commerciale et maritime.
“Le 18, elle se transportera à Bolbec pour y faire une enquête industrielle et morale.
“Le 19, visite des ruines de Lillebonne et des travaux d'endiguement de la Basse-Seine.
“Le 20, réunion générale à Goderville pour l'enquête agricole. Le 21, au même lieu, le concours provincial de bestiaux.”
Tenir sa session dans quatre villes (Fécamp, Bolbec, Lillebonne et Goderville) était, incontestablement le bon moyen de réaliser une enquête complète sur l’agriculture, l'industrie, etc., de cette partie du département de la Seine-Inférieure. Le compte-rendu de ce congrès, sera publié en 1851 dans l’Annuaire des cinq départements de la Normandie. Ce document, va nous renseigner sur la situation économique et culturelle de Fécamp et ses environs, sur ses besoins, et les moyens à mettre en œuvre.
Ces remarques seront-elles utiles à l’amélioration de la vie quotidienne ? les chercheurs, ou tout simplement, les curieux, pourront comparer avec le compte-rendu d’un autre congrès que l'Association Normande organisait à nouveau à Fécamp, en 1906, publié dans l'annuaire de 1908.
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