FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE DANS LA RUE
 
Dernière mise à jour 20 février 2017
     Journal de Rouen 9 août 1921
 

      La fête des Reines…. Pourquoi faut-il hélas que ce soit déjà du passé ! le moment est venu maintenant pour nous d’en fixer le souvenir. Beaucoup de grâce, beaucoup de fraicheur, beaucoup d’entrain, une gaieté de bon aloi et, dans nos rues parées avec infiniment de goût, la foule des grands jours : tel est le bilan de cette charmante journée.
 

     Il n’est pas dans les habitudes de la presse de commencer un compte rendu par la publication des récompenses et, cependant, il en est une que l’on pardonnerait pas de tenir secrète plus longtemps :
 

     “La Médaille d’or de la reconnaissance fécampoise (grand module) est décernée à la Société Commerciale des fêtes !”
 

     Un homme embarrassé, ce sera assurément M. Jouette, car le général en chef entend bien que ce bulletin de victoire fasse mention de tous les concours et de toutes les bonnes volontés. Mais les capitaines et lieutenants n’ont pas été oubliés, qu’on en juge plutôt !
 

     La citation est ainsi conçue :
 

    “Société Commerciale des fêtes a bien mérité de ses concitoyens pour travail, veilles, fatigues imposées bénévolement. S’est assuré le précieux concours de personnes extrêmement dévouées dont la ténacité et l’initiative ont eu raison des mille et une difficultés rencontrées en cours de route. Présidents de section ont su s’attacher des collaborateurs de premier ordre. Constructeurs, dessinateurs, peintres, fleuristes, tapissiers-décorateurs, chefs de chantier, voire même électriciens.”

“ Signé : Général Tout-Fécamp”.             
 

     Cette récompense se traduira par la gratitude. Les œuvres de bienfaisance ne seront pas les dernières – nous en avons la certitude – à se réjouir des heureux résultats obtenus. Les organisateurs qui avaient donné un but charitable à leur entreprise, peuvent se flatter à bon droit d’avoir mêlé l’utile à l’agréable. 

 

 LES PRÉPARATIFS

 

     Depuis quelques jours – et nous l’avons dit – en son temps – le travail était mené très activement sur tous les chantiers. A la Scierie de la Manche, dans les magasins Prentout, boulevard de la République, à la société Bénédictine, rue Charles-Le Borgne, dans dépendances de la Société La Morue Française et Sécheries de Fécamp, chez M. Vauchel rue Herbeuse, des équipes d’ouvriers abattaient beaucoup d’ouvrage. On se représente difficilement, quand on n’a pas été mêlé à l’affaire, le mal que donne l’organisation d’une pareille fête. Dresser un char, la chose n’a l’air de rien et, cependant, c’est tout un problème, quand il faut concilier des points de vue et des intérêts fort différents.
 

     Nos excellents artistes fécampois ne manquaient pas d’idées. Leurs plans, souvent nouveaux, toujours fort remarquablement conçus, étaient frappés au coin de la meilleure originalité. A note pittoresque et la couleur locale ne faisaient pas défaut, mais il y avait une formule fatidique qui revenait sans cesse et qui aurait pu paralyser bien des efforts, si les bons et joyeux “compagnons” n’avaient pas été à la hauteur des circonstances.
 

     “Attention, Messieurs, ne cessaient de rappeler des personnes averties et dont le sens rassis était connu de tous, méfions-nous de l’imprévu, ne voyons pas trop en grand, ne soyons pas victimes de notre imagination, autrement nous allons dépasser les crédits !”
 

     Il ne fallait pas songer à tendre la main pour couvrir les déficits. La pilule aurait pu paraître amère à beaucoup, et les pauvres et les œuvres n’y auraient pas trouvé leur compte. Mieux valait être prudent plutôt que de s’exposer à ne pas couvrir les dépenses.
 

     En tout, le grand art est de savoir s’arranger. Le talent et l’habileté professionnelle eurent raison de toutes les difficultés et, le samedi soir, la fête s’annonçait sous les plus heureux auspices. Déjà, en ville, une forêt de mats attendait leur drapeaux et pavillons. En un clin d’œil, nos trois couleurs furent hissées par des mains expertes. Les façades des maisons s’ornaient de feuillage et de fleurs. Des lanternes vénitiennes couraient, de ci de là, à la hauteur d’un premier étage et, par endroits, entre deux pavés, des sapins étalaient un feuillage toujours vert qui semblait braver la sécheresse.

 

 LA RETRAITE

 

     Le temps, il est vrai, restait menaçant. Le baromètre, depuis quarante-huit heures, accusait une instabilité qui pouvait inspirer des craintes, mais l’optimisme officiel rassura les timorés. Au Comité Directeur, on se montrait confiant. Les espoirs ne furent pas déçus et quand, à la tombée de la nuit, les “Enfants chéris” quittèrent leur quartier général pour s’esbaudir et nous annoncer la fête, je vous assure bien que beaucoup avaient cessé de s’occuper de la pression atmosphérique.
 

     La “Fanfare de Goderville”, qui avait bien voulu prêter son concours, joue ses meilleurs morceaux. On l’applaudît au passage, cependant qu’un peu partout, les fenêtres s’éclairent à la lueur des feux de Bengale.
 

     Les “Enfants Chéris” s’arrêtent sous les fenêtres de M. Jouette qui, très aimablement, remercie. Grimés, travestis, gais comme des pinsons, ils continuent leur course a travers les rues de la ville et de temps en temps font parade. Les membres de la Société Canine de Normandie, qui réceptionnent, avec beaucoup de cordialité, dans les salons du Café anglais, le bureau de la Société Commerciale des Fêtes, assistent à leurs joyeux ébats. La musique se fait entendre. On applaudit. Des rires joyeux montent de la foule en fête ; les lazzis se croisent, les rires fusent mais, bons vivants, les “Enfants Chéris” s’éloignent pour donner le spectacle plus loin.

 

 LA MATINÉE

 

     Les inquiétudes sont maintenant passées ; le soleil sourit, des personnes affairées traversent les rues avec des corbeilles de fleurs, des plantes et des feuillages. Les organisateurs se hâtent. L’animation est grande. Les trains de Bréauté, Dieppe et le Havre, déversent un contingent important de voyageurs. Des Sociétés de musique arrivent. Voici Lillebonne, suivi de peu après par le Groupe Amical des Trompettes du Havre.
 

     M. Faucon, directeur de la Lyre Maritime de Fécamp, salue ces deux sociétés à leur descente du train. L’Union musicale de Cany, les Fanfares de Goderville et de St-Pierre en Port ne confient pas l’existence de leurs sociétaires à une compagnie de Chemins de fer. Par ce temps de banditisme, ils semblent préférer le lourd camion automobile. Leur arrivée ne peut passer inaperçue. On les acclame ; de dévoués commissaires se dépensent sans compter et leur évitent ainsi des pas et des démarches inutiles.
 

     Pendant toute   la matinée, sur les différentes places de notre ville, des concerts ont été donnés par les différentes sociétés. Es estrades avaient été dressées à leur intention, autour desquelles le public s’est rapidement groupé, désireux d’entendre des marches entrainantes, des “Pas redoublés”, ainsi que de joyeuses sonneries pour fanfare.