Le côté le plus spectaculaire de ces fêtes résidait dans le grand cortège historique qui se déroula le dimanche après-midi. C’était lui qui devait pousser le plus grand nombre de Fécampois à travers les rues et faire venir de l’extérieur un nombre bien plus grand encore de visiteurs, de touristes, de curieux où d’amateurs de ces sortes de manifestations.
Dès 12 h. 30 c’est-à-dire une heure avant le départ du cortège du carrefour des Quatre Routes, trottoirs, fenêtres, murs et bornes accessibles aux enfants, furent absolument envahis de grappes humaines compactes, entre lesquelles les retardataires ne pouvaient que difficilement trouver passage.
Il ne serait parait-il pas exagéré de dire que Fécamp, en cet après-midi de dimanche, comptait dans son enceinte, cinquante mille personnes. Ce chiffre malheureusement peu contrôlable, pouvait se justifier par les rangs serrés un peu partout. Les regards se levaient vers le ciel, la grisaille persistante qui menaçait, depuis le matin, allait-elle tout gâcher ?
Il n’en fut rien, fort heureusement, et chacun fut rassuré quand le soleil parut enfin, entre les nuages et à 14 heures partait du carrefour, dit des Quatre Routes au Nid-de-Verdier, un cortège extraordinaire axé sur l’histoire de Fécamp, s’alignait sur près de deux kilomètres avec cinq cents participants, cent chevaux et seize grands chars, dont les ors et les vives couleurs voulaient être le témoignage des différentes époques traversées par Fécamp et l’illustration vivante des meilleurs jours de sa célèbre abbaye. Ouvrant la marche - excusez du peu - la fanfare de la Garde Républicaine à cheval, et ses deux timbaliers, suivie par :
1. L’ARMÉE ROMAINE PASSE À FÉCAMP :
La première évocation est celle de l‘armée romaine, debout sur un char, César et Caïus sont suivis par les légionnaires, et curieusement ils sont précédés, par des guerriers gaulois, aux casques ailés...
2. BOZON DÉCOUVRE LE FIGUIER :
...Puis venait Boson, (ou Bozon) découvrant, sur la grève le fameux figuier tabernacle, contenant le Précieux Sang...
“Après la crucifixion, Nicodème, en compagnie de Joseph d’Arimathie, reçoit le corps du Christ et procède à son ensevelissement. Nicodème est un des derniers hommes à avoir eu un contact physique avec la dépouille mortelle du Christ, il l’a vue et touchée...
“Dans tradition, il recueille des particules ou des gouttes de sang christique qui, à la suite d’un périple miraculeux, seront portées, dans le tronc d’un figuier, jusqu’au rivage où doit s’élever l’abbaye de la Sainte-Trinité de Fécamp”
Source : Jean-Guy Gouttebroze, « À l’origine du culte du Précieux Sang de Fécamp, le Saint Voult de Lucques »,
Tabularia « Études », n° 2, 2002, p. 1-8, 10 juillet 200
3. WANINGE FONDE L'ABBAYE DE FÉCAMP :
... Suivait une riche représentation de la création d'un monastère de femmes au haut Moyen Age ...
“Il était une fois, au vallon de Fécamp, beau comme un paradis terrestre, un grand homme de bien, Waninge, Duc de Neustrie, qui fit vœu d’élever un monastère. Il s’ouvrit de son projet à Saint Wandrille, Abbé de Fontenelle et à Saint Ouen, Évêque de Rouen, qui encouragèrent son initiative.
“Ces deux personnages ecclésiastiques étaient d’obédience bénédictine et c’est sous le règne de Saint Benoist qu’une abbaye de femmes, sous l’autorité d’Hildemarque, Abbesse venue d’Aquitaine, fut fondée et une basilique érigée.
La dédicace eut lieu entre 658 et 664, sous Clotaire III qui y assista avec toute sa cour, en présence de Saint Wandrille. Le prélat consécrateur était Saint Ouen.” Depuis la fin du VIIIe siècle, chaque printemps, des bandes vikings progressent de plus en plus loin vers le sud à partir de leurs bases scandinaves. Par cabotage et en remontant les fleuves, les Vikings lancent des attaques sur les sites peu protégés et riches, exigeant rançons et butins. En 841, ils sont sur la Seine. Installées dans la paisible valleuse de Fécamp, les religieuses subissent en 876 le sort de beaucoup de communautés. Les pirates rasent l'Abbaye, violent et massacrent les moniales.
Jean Lemaitre - Rouen Cité des Arts n°24
4. LE ROI PÉPIN VISITE L'ABBAYE :
... Pour suivre, la visite (présumée) du roi Pépin et sa cour, tous entourés d’ailleurs, de fort jolies jeunes filles…
L'histoire nous apprend que :
Les Reines et les Rois, les Princes et les Erudits, sont venus en très grand nombre, soit pour parfaire leurs connaissances, soit en pèlerinage, soit pour des raisons politiques. Clotaire III, Pépin Le Bref, Henri 1er …
Était-ce le cas pour Pépin le Bref (714-768) ? ...
Jean Lemaitre - Rouen Cité des Arts n°24
5. DÉBARQUEMENT DES NORMANDS AVEC ROLLON :
… Un drakkar, et ses occupants nous rappelle que :
“Depuis la fin du VIIIe siècle, chaque printemps, des bandes vikings progressent de plus en plus loin vers le sud à partir de leurs bases scandinaves. Par cabotage et en remontant les fleuves, les Vikings lancent des attaques sur les sites peu protégés et riches, exigeant rançons et butins. En 841, ils sont sur la Seine. Installées dans la paisible valleuse de Fécamp, les religieuses subissent en 876 le sort de beaucoup de communautés. Les pirates rasent l'Abbaye, violent et massacrent les moniales.
David Bellamy - L'Abbatiale de la Trinité de Fécamp
6. GUILLAUME Longue Épée, RICHARD Ier et RICHARD II relèvent l’Abbaye :
... Les premiers ducs suivent ...
“Guillaume Longue Épée, fils de Rollon, décide de la construction d’un palais à Fécamp près de ruines, restes du premier monastère. Il reconstruit un oratoire consacré à la Trinité, inclus dans l'enceinte de sa résidence, Fécamp devient alors le berceau de la Normandie. Ses successeurs continuent de la combler de bienfaits. Richard Ier fait édifier une nouvelle église de la Trinité consacrée selon Dudon de Saint-Quentin en 990, par Robert le Danois, archevêque de Rouen et desservie par douze chanoines réguliers à la place des moniales, transférées à Montivilliers.” Richard Ier Sans Peur, Richard II Père des Moines, dont les restes reposent à l'Abbaye, en ont fait leur résidence principale.
Jean Lemaitre - Rouen Cité des Arts n°24
7. GUILLAUME le Conquérant revient d’Angleterre :
“Le duc Guillaume a été couronné roi d’Angleterre à Westminster, le 25 décembre 1066, quelques semaines après la bataille d’Hasting (14 octobre 1066).
“C’est au monastère de la Sainte-Trinité de Fécamp qu’il célébra, le 8 avril 1067, la Pâque de Notre-Seigneur, révérant avec honneur le Rédempteur en la fête de la Résurrection, au milieu de l’affluence des vénérables évêques et abbés. Siégeant humblement dans le chœur des religieux, il força la foule à suspendre leurs divertissements pour venir assister aux offices…”
Françoise Pouge - L'Abbatiale de la Trinité de Fécamp
On prétend également que Guillaume fit prendre le voile à l’une de ses filles pour en faire l’abbesse de la Trinité de Caen.
En engageant cette Confrérie a participer, le Comité d'organisation et son président Jean Lemaître, ont certainement souhaité rappeler que :
“l'Abbaye de Fécamp pouvait se glorifier d’avoir une Maîtrise, la première après celle de Rome, célèbre dans toute l’Europe, et dont le répertoire était si vaste qu’il permettait d’en renouveler les chants et la musique pendant 10 ans consécutifs.”
Jean Lemaitre - Rouen Cité des Arts n°24
Les “jongleurs”, sorte de musiciens professionnels ambulants et amuseurs en tout genre qui, la vièle sur le dos, la besace au côté, déambulaient de châteaux en châteaux, de villages en villages, avec leur répertoire musical agrémenté de farces. L’hiver pendant le carême ces jongleurs appelés plus tard ménestrels, se rendaient aux écoles de “Ménestrandie” où ils apprenaient les règles de leur art, le jeu de la viole et les chansons nouvelles.
Trouvères et Troubadours La Musique au Moyen Age - Viviane dans Histoire pour Tous
8. Délivrance de Fécamp par les troupes de DU GUESCLIN :
La délivrance de Fécamp est symbolisée là, par un Char-donjon, tirant une “bombarde”. Au sommet de la tour, se trouve un “guetteur” ; Du Guesclin, et sa garde, se tiennent à l’entrée.
Nous n'avons pas trouvé de lien, pour justifier la présence de cette autre étape historique, sauf que :
Bertrand du Guesclin, né en 1320 à la Motte-Broons près de Dinan, mort le 13 juillet 1380 devant Châteauneuf-de-Randon, est un connétable de France d’une des plus anciennes familles de Bretagne.
Fils aîné de Robert II du Guesclin (v. 1300-1353), seigneur de la Motte-Broons et de son épouse Jeanne de Malesmains (morte en 1350), dame de Sens. Sa laideur (on dit de lui qu’il est « le plus laid qu’il y eut de Rennes à Dinan »), et sa brutalité lui valent l’opprobre paternelle, et il doit gagner le respect de la noblesse à la pointe de son épée. Il se fit remarquer dès son enfance par sa force, son habileté dans les exercices du corps et ses goûts belliqueux. Lors d’un tournoi où il a interdiction de participer, il défait tous ses adversaires, avant de refuser de combattre son père en inclinant sa lance par respect au moment de la joute (à la grande surprise de l’assemblée). Il a 15 ans.
Wikipedia
FANFARE et FIFRES de BEAUVAIS :
C'est une merveille ! un des points forts de ce cortège, la fanfare de fifres et tambours de Beauvais, en costumes du XVème siècle, se présente comme une phalange pour le moins étonnante, composée de près de 90 exécutants, enfants ou adolescents âgés de 6 à 14 ans.
Jouant d’ailleurs la “Marche du colonel Bogey” arrangement du “Pont de la Rivière Kwaï”… C’était cocasse, mais personne ne le remarqua. Et puis, il fallait bien qu’ils jouent quelque chose et ils interprétèrent si bien cette marche qu’on leur pardonna de grand cœur cette dérogation à la mise en scène. Jehan le Pôvremoyne
9. LA HIRE capitaine de Jeanne d’Arc reprend Fécamp aux Anglais :
... Leur succédant dans le défilé, rappelant la victoire du capitaine sur les Anglais à Fécamp qu’il leur ravit,
La Hire, entouré de 50 jeunes Lorraines, était campé sur un très bon fond représentant Jeanne d’Arc, dont il fallait bien que la mémoire fût évoquée ici, puisque Gilles de Duremort, abbé de Fécamp avait été parmi les juges la condamnant à mort.
Jehan le Pôvremoyne
10. Louis XI vient au pèlerinage au Précieux-Sang.
Fils turbulent du vainqueur de la Guerre de Cent ans (Charles VII), le roi de France Louis XI a la réputation d’un souverain dur, parfois considéré comme un tyran. Son règne est pourtant fondamental, tant par la lutte à mort qu’il livre au duc de Bourgogne Charles le Téméraire, que dans l’affirmation d’une monarchie de plus en plus centralisée sur la personne du roi. Alors que la France connait à nouveau un essor économique, le règne de Louis XI, si autoritaire soit-il, va permettre l’avènement des rois de la Renaissance et avec eux le rayonnement de la France qui devient la première puissance européenne.
Il est possible qu’il soit, effectivement venu en compagnie du cardinal La Balue en pèlerinage au Précieux-Sang, …. Légende ?
11. FRANÇOIS 1er vient goûter l’élixir des moines de Fécamp :
La visite du roi François 1er en notre abbaye normande.
François 1er et sa femme montant de magnifiques chevaux, n’étaient autres, dans leurs splendides habits d’apparat que M. et Mme Pierre-André Le Grand, cavaliers accomplis, précédant le char dont l’architecture rappelait celle de la Bénédictine, cependant que les cloches carillonnaient à toute volée.
Jehan le Pôvremoyne
12. CHARLES IX et CATHERINE DE MÉDICIS allant de Valmont à Harfleur passent par le Monastère :
On peut y voir là, souvenir du voyage que Catherine de Médicis fait entreprendre au roi Charles IX à travers la France, pour lui faire découvrir son royaume, qui vient d'être ravagé par la première guerre de religion. Le départ de cette grande aventure débute à Paris le 24 janvier 1564 et se termine par le retour dans la capitale le 1er mai 1566
13. HENRI IV REVIENT D’ARQUES.
Henri IV, à cheval, est suivit par des soldats porteurs d’oriflammes, de retour de la bataille d’Arques :
“Pour réaliser la reconquête d’un royaume qui se refuse à lui, Henri IV, ne peut compter que sur à peine 20 000 hommes, qu’il répartit sous trois commandements distincts, pour la Picardie, la Champagne, la Normandie qu’il s’attribue, et où il attend les renforts promis par la reine d’Angleterre Elisabeth Ire. En août 1589, il installe son camp et ses 8 000 hommes à Dieppe. En septembre, les Ligueurs lancent plusieurs assauts sur le bourg d’Arques. Ces attaques furent très meurtrières des deux côtés, et bientôt le manque d’hommes du côté d’Henri IV se fait cruellement sentir.
“Le salut lui viendra de la mer le 23 septembre ; en effet, 50 Anglais, puis 1 200 Écossais et, enfin, 4 000 soldats britanniques envoyés par Élisabeth Ire débarquent d'Angleterre par vagues en moins de trois jours pour prêter main-forte au nouveau roi de France. 500 arquebusiers commandés par François de Coligny achèveront de faire basculer la victoire ; le duc de Mayenne préfère abandonner, et Henri IV sort vainqueur de cette première confrontation.”
Source Wikipédia
14. AU TEMPS DU BIEN AIMÉ :
Peu de précisions sur ce char qui suivait Henri IV. À la gloire du Siécle des Lumières et de Louis XV ?...
Mis à part, ainsi que l'écrivait un chroniqueur local :
“qu’il portait un titre qui faisait paraître bien belle la vie d’alors !”
15. VAUBAN vient inspecter la plage et le port de Fécamp.
Une embarcation, où semble figurer Vauban, (ingénieur hydraulicien, architecte et urbaniste) en route vers Fécamp, envoyé par Louis XIV. Il semblerait qu’à la suite de cette visite, des projets aient été proposés :
Des jetées à claire-voie, formées de palées de pieux en bois, pour canaliser le courant figurent déjà, au dix-septième siècle, dans le projet que réalise Vauban pour Fécamp sur l'ordre de Louis XIV. Ces jetées semblent avoir été en partie réalisées vers 1710, en même temps que deux écluses de chasse.
Claire Chauvin - site des Amis du Vieux-Fécamp
16. BONAPARTE et JOSÉPHINE visitent la cité ;
Vers 1802-1803. L’auberge de la fleur de Lys, rebaptisée après la révolution Auberge du Grand-Cerf, aurait accueilli Bonaparte alors Premier consul pour un repas frugal, où il aurait demandé à goûter du hareng de Fécamp,
Forum du “Bout-Menteux”
Legende ? Indiscutablement l'occasion d'un bon préambule à la prestation de la musique locale.
Fermant la marche, la Lyre Maritime, dont les musiciens sont costumés en “Grognards” figure la Garde Impériale.
Ce cortège s'était étiré par les rues :
de Rouen, des Forts, après un arrêt place de l’Abbaye, il repartait par la rue André-Paul-Leroux, jusqu’à la place Thiers, où était marqué un second arrêt avant de rejoindre, après être passé derrière le monument aux Morts, les rues Félix- Faure, Théagène-Boufart où devant la cour d'honneur de Bénédictine, la Garde Républicaine, donnait une aubade en l'honneur des personnalités invitées du déjeuner officiel, puis continuait son parcours par les rues Louis-Caron, le boulevard des Belges, les quais Vicomté et Bérigny, l’avenue Gambetta, les rues Jacques-Huet, des Forts, Arquaise, Queue-de-Renard, de Valmont où eut lieu la dislocation, après ce périple de près de 8 kilomètres.
Cette page a été renseignée depuis diverses sources, notamment :
Le Bulletin 1955-1958 de l'Association des Amis du Vieux-Fécamp, La revue Rouen Cité des Arts,
L'ouvrage édité par Les Amis du Musée L'Abbatiale de la Trinité de Fécamp
Des textes signés de David Bellamy, Claire Chauvin, Robert Duménil, et Jehan Lepôvremoyne.
Les illustrations ont été obtenues par “copie d'écran” du film réalisé pour la Société Bénédictine par Yves Leroy,
ce film, a été déposé à Pole-Image base audiovisuelle de Haute-Normandie, consultable sur le site DIAZ