Depuis 1872, Eugène Dugard, renoue avec la direction, fonction qu’il avait tenu à Gand, Namur et Tours ; avant de venir à Fécamp recruté par M. Nathan, éphémère directeur.
La scène d’été fécampoise va pouvoir bénéficier de son expérience et, sans doute, voir s’égrener sur elle les perles du répertoire d’Auber, d’Adam et de Boieldieu, il ne sera pas, hélas toujours compris, l’histoire serait longue s’il fallait raconter ses luttes continuelles contre des propriétaires un peu exigeants, mais c’est grâce à sa persévérance, qu’il va hisser, l’établissement fécampois jusqu'aux premiers rangs.
Par contrat, la ville de Fécamp lui imposait, QUATRE acteurs et CINQ musiciens, pour assurer, au cours de la saison “des Bains-de-Mer”, les concerts et soirées théâtrales, pendant la période du 15 juillet au 15 septembre. Mais c’était mal connaître celui dont les qualités de directeur et de chef d’orchestre avaient mis partout son nom en relief. Il va tenter d’imposer ses idées en 1874, alors qu’il avait accepté la direction depuis seulement deux ans, en concevant l’audacieuse tentative de monter sur “une petite scène” la Fille de Madame Angot….
Un chroniqueur de l’époque disait de lui, avec raison : M. Dugard, au lieu d’escompter l’avenir, tous ses efforts tendent à l’assurer ; On en parla longtemps, avant et après…. Le plus grand nombre considérèrent l’audacieux comme un fou. Pensez-donc : s’engager à fournir un personnel de neuf artistes et en amener quarante. Vu de loin, avec le recul de plusieurs années, ce coup d’audace n’est plus qualifié de folie, par ceux mêmes qui s’en tordaient les côtes, - c’est pour tous, de la vaillance, du dévouement sublime. Et l’ironie a été bien vite balayée sous un flot de louanges. Cette “audacieuse représentation” eut également le mérite de mettre en avant, la pauvreté des installations scéniques, dans une salle inadaptée. M. Dugard engagea des démarches, afin que l’exiguïté de la scène, ne contrarie pas son œuvre d’amélioration et d’expansion.
Enfin, la ville vota sur sa demande, une subvention de quelques milliers de francs pour l’agrandissement de la salle. Mais après combien de plaintes et de gémissements poussés par un public qui s’étouffait dans une chambre trop étroite, par des acteurs qui s’écrasaient les pieds – et l’accessoire – sur une scène proportionné au reste !.. L’inauguration de la nouvelle salle, qui fût saluée par un immense et unanime soupir de soulagement, eut lieu le 13 juillet 1879.
Après sept années de direction, et de réclamations, Eugène Dugard, pouvait penser qu'avec ce nouvel outil, il marcherait de succès en succès, mais c'était compter sans “les propriétaires” il s’aperçut vite, que les sacrifices étaient lourds, et se vit contraint à ralentir sa programmation faute de ….combustible.
Il fit alors appel à la sollicitude de la Ville, et l’avertit de l’obligation où il se trouverait de s’en tenir scrupuleusement aux charges qui lui étaient imposées – QUATRE acteurs et CINQ musiciens, - si la ville ne consentait pas à lui abandonner le loyer de 2 000 frs. qu’il lui payait. – La municipalité ferma les yeux et se boucha les oreilles, le désespoir au cœur, M. Dugard vint à Fécamp pour “la saison”, avec une simple troupe de comédie. Ajoutons, que la municipalité eut bien vite regretté sa … tyrannie, et que le tableau de troupe qui, cette année-là, semblait annoncer la chute irrévocable, fut déchiré, dès qu’un bon mouvement du conseil municipal eut permis de le faire, et il fut remplacé par un autre aussi brillant que les précédents. Par la suite Eugène Dugard n’a plus cessé de prouver son réel talent d’organisateur. Avec l’aide d’un régisseur bien choisi, il ne s’est pas écoulé de saison, sans qu’il ajoutât quelques nouveautés à son répertoire d’opérette où d’opéra-comique. Le casino de Fécamp, pouvait alors annoncer :
Le casino est ouvert, chaque année, du 15 juin au 1er octobre. Du 15 juillet au 15 septembre, une troupe d’artistes musiciens et dramatiques donne, dans le grand Salon du Casino, des concerts et des soirées théâtrales.
Les représentations ont lieu le dimanche et le jeudi, lundi, soirée dansante ; mardi, spectacle où soirée dansante ; mercredi, soirée dansante ; jeudi, bal d’enfants dans l’après-midi, représentation le soir ; le samedi, grand bal ; le dimanche, spectacle-concert à trois heures, tombolas ; représentations théâtrale le soir. Un “Tramway-voiture” assure la liaison.
Qu'il nous soit permis de dire, qu'Eugène Dugard, a su là confirmer les idées de l’ancien directeur M. Sabatier. Lequel avait ressenti dès 1858, en engageant la reconstruction de son établissement détruit par un incendie, la nécessité et l’idée de conserver la partie d’hydrothérapie, mais de développer l’importance de la partie Casino, afin d’attirer et retenir “Les Baigneurs”.
Dans un article du 27 juin 1886, Leduc-d’Harrans, se fait l’écho d’une rumeur :
Dans deux semaines nous saluerons l’aurore d’une nouvelle saison théâtrale. La Plage Normande tient à honneur d’être l’avant-coureur des bruits et nouvelles dont le Casino fécampois sera l’objet pendant quelque deux mois.
Mais nous nous bornerons aujourd’hui à des “On-dit”. 1886 sera -dit-on, - pour M. Dugard, une année critique. C’est cette année, en effet, que doit expirer le bail signé entre la ville et le sympathique directeur. “On-dit” que la ville serait disposée à prendre à sa charge l’administration du Casino et des Bains. Devrait-on blâmer cette intention ?
- Oui, s’il y a lieu de penser que l’expérience n’ait pas plus de succès qu’il y a vingt ans ;
- Non s’il y a des chances sérieuses de bénéfice pour le trésor municipal.
Ces “On-dit” n’entamèrent pas la vaillance et l’audace d’Eugène Dugard, qui produisit, encore cette saison 1886, un programme irréprochable, apprécié applaudi de tous.
Était-il possible d’interrompre son œuvre de progrès ? Depuis qu’il avait pris la direction du casino, la scène d’été n’avait fait que marcher de succès en succès. Une pétition adressée au maire de Fécamp (Augustin Le Borgne) se révéla sans effet … et le mardi 11 septembre, M. Dugard et sa troupe donnaient Un Grand Concert-Spectacle d’adieux, mettant là un terme à vingt-deux années de présence au Casino, dont quatorze à sa direction.
….. Et l’année suivante, un entrefilet dans la presse du 12 juin :
FÉCAMP. – la direction de notre casino a été allouée à M. Eugène Lejolivet, ancien directeur du grand théâtre de Cherbourg. Le nouveau directeur a, nous dit-on, de sérieuses qualités comme administrateur. (il va mettre en place des contrats, entre l'établissement et les artistes)
Il amène avec lui, parait-il, une troupe magnifique dont nous pourrons prochainement publier la composition. Espérons que la nouvelle direction adoucira l’amertume laissées dans bien des cœurs par le départ du si sympathique M. Eugène Dugard.
On se rappelle la campagne ardente que nous avons soutenue, dans ces colonnes mêmes, pour amener l’administration municipale à conserver cet artiste et brillant maestro. Nos efforts ont été vains contre une décision irrévocable. Nous le regrettons encore ; mais nous sommes sans rancune et nous souhaitons de tout cœur d’avoir à faire l’éloge de la nouvelle direction .....
Nouvelle direction, qui va faire encore progresser la renommée du casino de Fécamp, l’Administrateur-Directeur continue d’assurer la direction de l’orchestre, en tant que 1er chef ; un 2ème chef d’orchestre, pouvant assurer la fonction de 1er chef, arrive dans l’effectif qui compte : 14 musiciens d’orchestre et 14 choristes. Un “Orchestre des Concerts” également constitué, peut être dirigé alternativement par 3 chefs différents, suivant les œuvres interprétées. Pour la comédie, on trouve 20 comédiennes et comédiens !
Eugène Lejolivet restera “aux commandes” trois saisons : 1887-1888 et 1889 pour le plus grand plaisir des abonnés.
M. d’Albert qui va lui succéder pour la saison 1890, va introduire le Casino de Fécamp dans “La cour des Grands” ; pour y parvenir, à la fin de sa première année de direction il va faire appel, pour l'année 1891, aux fécampois et à ..... la réclame ! L'initiative va s'avérer rentable, pour qu' à la fin de la saison, il réitère pour la saison 1892, en ces termes :
“La réclame que j'ai faite cette année pour le Casino et la ville de fécamp, je suis heureux de vous le dire, a porté ses fruits.
“Malgré le vilain été que nous avons eu, Fécamp et son Casino ont vu beaucoup plus d'étrangers que les années passées, beaucoup de figures nouvelles. Les commerçants ont fait des affaires, et moi, je suis à peu près rentré dans mes débours : je risquai bien de ne pas les couvrir, les bains froids ayant très peu donné....”
On va parler moins des “Bains-de-Mer”, les divertissements vont devenir prioritaires sur la santé, d'où les conseils !
Cette page a été renseignée et réalisée grâce à La Plage Normande des années 1862, 1864 et 1886,
ainsi que des prospectus des années 1891 et 1892, aimablement mis à notre disposition par J.-P. Durand-Chédru.
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