Journal de Rouen 26 juillet 1924
Arrondissement du Havre
Le Congrès régionaliste s’est ouvert à Fécamp
À la fin de 1922, plusieurs sociétés qui poursuivent l’étude et la défense des monuments, des traditions, des métiers d’art originaux, en diverses régions de Normandie, s’unirent en une fédération. L’initiative en fut prise par les “Amis du Vieux-Havre” ; la direction de l’Union, soit, son secrétariat général, fut confiée à M. Léon Le Clerc de Honfleur, qui avait donné les plus éclatantes preuves de sa connaissance de toute la vie normande traditionnelle, de son dévouement pieux et ingénieux à combattre sa disparition.
N’avait-il pas organisé dès 1899 une “Exposition (inoubliée) de la Tradition normande”, fondé et fait prospérer – presque seul – la Société du “Vieux-Honfleur” et son incomparable Musée, institué une suite brillante de fêtes régionalistes … ?
Comme la fédération inscrivait dans ses statuts la tenue d’un congrès annuel, dont le soin serait confié tour à tour à chaque groupement adhérent, la première réunion eut tout naturellement lieu à Honfleur en juillet 1923. La seconde à été inaugurée hier, chez les “Amis du Vieux-Fécamp”.
Depuis sa fondation en 1909, cette société a fait, sans lassitude, de bonne et ingénieuse besogne, enregistré dans les sept volumes d’un élégant Bulletin. Tant valent les hommes, tant valent leur organisation ; les “Amis du Vieux-Fécamp” ont dès l’origine, confié le soin de leur réussite à d’excellents mandataires, de vrais “mainteneurs”, dirait-on à Toulouse, mais ce mot heureux manque dans les usages du Nord.
Le président est M. le docteur Dufour, le si vaillant lutteur contre la mortalité infantile, initiateur de ces “gouttes de lait” aujourd’hui dispersées dans le monde entier. Le secrétaire est l’érudit le mieux averti de tout le passé et des activité présentes de Fécamp, M. René Legros. L’un et l’autre ont su attirer les commissaires diligents, tout une escouade qui sait se répartir les tâches, et c’est fort rare.
Le succès certain du Congrès, l’éclat de l’exposition dont il a été l’occasion et qui attirera à Fécamp les visiteurs jusqu’à la fin août, feront grand honneur au goût, à la science des artistes des artisans d’art fécampois, comme à l’obligeance des collectionneurs, dans cette ville intelligente, fière de son passé, attentive à continue » d’en être digne.
L’Ouverture du Congrès
À deux heures et demie, l’assistance réunie dans la salle des mariages de l’Hôtel-de-Ville, est formée de Fécampois et d’un trop petit nombre d’étrangers. Beaucoup ont assuré par lettre qu’ils seraient présents aujourd’hui, à la première séance de travail.
M. Soublin, maire préside ; il est assisté au bureau de MM. Brindeau, sénateur ; Merrienne, adjoint au maire ; Vasse, président de la Chambre de commerce et du bureau des “Amis du Vieux-Fécamp”, MM. Dufour, président ; Constantin, vice-président ; René Legros, secrétaire, Banse, Sorel.
M. le maire souhaite la bienvenue aux congressistes dans une cité dont les monuments anciens forment la grande parure, où le moins prévenu respire comme “un parfum de vétusté”. Il est certain dit-il, que les travaux seront présentés et discutés dans de laborieuses séances seront profitables à la connaissance chaque jour plus précise du grand passé artistique de la Normandie, à l’histoire de l’art français tout entier.
M. le docteur Dufour, après avoir présenté les excuses de M. Lallemand, préfet, de M. René Gayant, conseiller général et de quelques autres personnalités, assure les hôtes des “Amis du Vieux-Fécamp” de la plus cordiale sympathie d’une association qui n’a ménagé ni recherches ni peines pour répondre au but poursuivi par la Fédération des Sociétés régionalistes normandes. Il exprime sa très vive gratitude à la municipalité et aux habitants de Fécamp qui ont de tout leur pouvoir favorisé leur société locale dans l’accomplissement de la mission que les sociétés-sœur lui avaient confiées.
M. le sénateur Brindeau, est, comme régionaliste convaincu, heureux d’encourager des réunions comme celle-ci qui ne peuvent que fortifier, vulgariser le culte précieux et bienfaisant des souvenirs. Il rappelle, très brièvement, mais en termes particulièrement heureux, la participation de Fécamp à la vie ancienne de la Haute-Normandie, ses rapports à l’illustration du pays de Caux. La situation géographique un peu écartée de Fécamp l’a dotée d’une physionomie originale, du caractère particulier de sa population, de bourgeois, d’armateurs, de pêcheurs audacieux qui furent et qui restent une des forces de la province normande.
M. Brindeau rend un hommage très applaudi au dévouement de MM. Dufour et Legros, les “âmes” d’un congrès dont les utiles travaux ne manqueront pas de fournir une publication que tous consulteront avec intérêt et profit.
Encore que ces séances de travail ne doivent commencer que le lendemain, le président de la réunion invite M. Pierre Chirol, délégué de l’Académie de Rouen, à faire dès aujourd’hui une communication sur les dessins d’Hyacinthe Langlois relatifs à l’Abbaye de la Sainte trinité de Fécamp. M. Chirol a publié dans le Bulletin des Amis des monuments rouennais de 1913-14 un catalogue des dessins de Langlois que possèdent les archives de la commission départementale des antiquités de la Seine-inférieure.
Cette commission, le plus ancien des groupements archéologiques de France, puisqu’elle fut créée en 1818, confia en 1829 à Langlois la mission de reproduire les aspects des grands monuments qui semblaient condamnés par leur état de ruine ou le vandalisme des bandes noires exploitant églises, abbayes et châteaux comme des carrière de matériaux tout taillés. De Fécamp, Langlois remporta quatorze très beaux dessins d’un trait précis et savoureux : ce sont avec quelques vues inattendues de falaises, des ensembles des divers aspects de l’abbaye, église et bâtiments conventuels.
Les “Amis des monuments rouennais” n’ont pu reproduire qu’un de ces ensembles. M. Chirol émet le vœu, adopté par le congrès, que toute la suite puisse être éditée par la société locale.
Puis la séance inaugurale est levée et les congressistes vont visiter l’exposition .....
Journal de Rouen du 26 juillet 1924 Archives départementales de Seine-Maritime cote BMR 260_5