M. le sénateur Brindeau, qui consacre depuis longtemps ses loisirs à l’étude de l’histoire maritime du Havre et de l’Estuaire de la Seine, a fait deux savantes et parfaites études, la première sur le mascaret, que les riverains qui ignorent ce mot gascon, appelaient jadis la barre et le flot. Avant les travaux sur le lit et sur les berges du fleuve, c’était en mars et en septembre un phénomène majestueux dans son aspect et souvent terrible dans ses conséquences.
Il apparait ainsi dans les Etudes de la Nature de Bernardin de Saint-Pierre. Les vagues en rouleaux “têtes de flot” puis “éteules” apparaissaient en amont d’Orcher, prenaient toute leur ampleur devant Caudebec et mouraient contre la presqu’ile de Jumièges et de Duclair
Depuis les endiguements, les rectifications des berges, les draguage dans la partie moyenne de la baie, c’est à Vieux-Port, Petiville, Aizier qu’il faut se rendre pour l’observer et non plus à Caudebec, où il n’est plus qu’une forte montée d’eau.
Plus jamais sans doute le mascaret ne mettra de navires sur le flanc ; son dernier méfait avait été l’échouage du Roméo en 1887. Lorsque seront finis les travaux prévus en aval de la ligne Norville-Vatteville, la grande houle des équinoxes ne sera plus qu’un souvenir.
La seconde communication de M. Brindeau est un historique de l’armement havrais pour la pêche à la baleine. Prospère jusqu’à la fin du XVIIe siècle, cette pêche ou plutôt cette chasse était oubliée quand en 1817, un Anglais venu au havre, Jérémie Winslow la fit renaître. M. Georges Dubosc a, récemment et ici même, résumé avec sa coutumière érudition les annales des baleiniers du Havre. À l’apogée entre 1845 et 1855, il y avait une trentaine de navires spécialement attachés au Havre, la plupart commandés par des Basques. Ils traquaient aussi le cachalot. En ces dix dernières années la capture des baleines avait donné neuf millions de kilogrammes d’huile et 200 000 kilos de fanons.
Après 1860, le recrutement des équipages devenant très difficile, la flotte baleinière fut réduite à six puis à deux unités, Le Dauphin et Le Léopard. Dont l’armateur M. Emile Bossière est aujourd’hui presque centenaire. Et tout disparut un peu avant la guerre de 1870. Aujourd’hui c’est aux iles Kerguelen que se trouve le centre de pêche aux mains de Suédois et d’Australiens qui y font fortune. Cependant les Kerguelen sont françaises concédées aux fils même de M. Bossière qui ont en vain cherché à créer une société française d’exploitation.
Jadis jusqu’à la fin du moyen-âge, la baleine fréquentait les côtes normandes : à Villequier, à Jumièges des squelettes ont été exhumés ; un tarif du marché de Dieppe, du XVe siècle, fait connaitre la vente courante de la chair de baleine qui était tenue pour comestible.
Très rarement, au XIXe siècle, les Havrais ont pu être baleiniers… chez eux. Des baleines perdues, affaiblies se laissèrent dériver en baie de Seine. On y rencontra la dernière en 1847, échouée devant Saint-Vigor-d’Ymonville.
M. C. Monticone, secrétaire général de la fédération des syndicats d’initiative de Normandie demande au congrès d’étudier les formes de liaison entre les sociétés d’histoire et d’art et les syndicats de tourisme : il serait profitable que les premières fournissent aux second un inventaire des sites et monuments anciens, rédigent de courtes notices exactes pour insertion dans les guides, dressent la liste des artisans fournisseurs de pièces des arts locaux et les maisons offrant les spécialités gastronomiques régionales. Enfin un membre du bureau d’une société savante de chaque centre accepterait la mission de conseil auprès du syndicat de la ville s’il y en un ; et s’il n’y en a pas, celui de correspondant de la Fédération régionale des Syndicats.
Le syndicat d’initiative de Rouen demande le vote, aussitôt émis par le congrès, d’un vœu tendant à obtenir la suspension de toute publicité par l’État à l’extérieur et l’intérieur des immeubles lui appartenant ; la résiliation des baux de dix ans déjà concédés (on sait que la suppression des annonces sur les formules télégraphiques vient d’être décidée).
Lecture où analyse furent faites de deux mémoires très spéciaux, qui semblaient à la vérité, mieux destinés à une séance intérieure de comité qu’à un congrès. M. Fontaine, censeur du lycée de Coutances a étudié le camp du Canada (Castrum Danorum, le camp des Danois), près de Fécamp. On le dit, comme tous autres analogues, “romain”, il est beaucoup plus ancien, préhistorique, néolithique.
M. Leroy, de Pont-Audemer, décrit ses trouvailles d’outils de pierre paléolithiques (soludréens et magdaléniens) dans l’arrondissement de Pont-Audemer. M. Lenôtre, de Bréauté, a étudié l’église de cette localité.
Deux causeries, d’une excellente ordonnance, ont fait connaitre aux congressistes les activités de Fécamp et le charme des paysages du Caux. Dans la première, M. Gustave Vasse, président de la Chambre de commerce, constate que Fécamp est, en 1923, le premier port de pêche de France pour la valeur des navires et des engins, le troisième pour le produit en francs après Boulogne, à courte distance de La Rochelle. Ce produit qui était de 22 millions en 1922, est monté à 46 en 1923. Les 103 navires pêcheurs jaugeant brut 22 000 tonneaux, sont montés par 2 000 hommes.
La spécialité de Fécamp de plus en plus affirmée, est le poisson (hareng, maquereau, morue) salé ou saur. La consommation généralisée des “filets” de hareng a été favorable aux fécampois. Le “filet” de morue vient d’apparaître : déjà trois millions de boites ont été livrées en 1923.
Ces produits sont exportés dans toute l’Europe méridionale, en Turquie, Egypte, Amérique du Sud, à Madagascar ... Cinquante maisons font par an 80 millions d’affaires, occupant 4 000 ouvriers et ouvrières. Pour garnir 150 000 barils de harengs, Fécamp a acheté quatre millions de kilos aux Anglais, quatre aux Norvégiens, deux aux Hollandais et aux Belges.
Fécamp qui a le 18e rang dans le classement des gares du réseau de l’État, fait d’importants commerces de houille, de bois, d’huiles, de savon ; on y produit du lin (industrie importée de Belgique après la guerre), des cordages, des filets de pêche, la Bénédictine de renom universel, de la confection pour dames (200 000 pièces par an), de la force électrique répartie dans un rayon de trente kilomètres.
Un grand programme de réfection et d’amélioration du port et de la gare est - malgré les ordinaires, les excessives lenteurs des administrations – en très bonne voie de réalisation.
M. René Legros fait un très captivant tableau des diverses régions cauchoises, côte et campagne. Il évoque, en quelques pages d’une belle tenue, les aspects des fermes, des champs, lorsque les modifie le cycle des saisons. Il prouve que l’on peut d’un séjour dans cette aimable région emporter une brassée de visions de souvenirs précieux.
La séance de clôture du Congrès était réservée à la discussion des intérêts communs aux sociétés fédérées. À ces débats dirigés par M. Léon Le Clerc, secrétaire général de la fédération, prirent part les délégués des “Amis du Vieux-Havre” de Lisieux (MM. Etienne Deville et de Moidrey) …
On décide l’édition d’un bulletin que l’on souhaiterait mensuel contenant avec un “intermédiaire des chercheurs” normands une sommaire chronique de l’activité des sociétés affiliées. De cette publication sera chargé pendant un an le secrétaire de la société organisatrice du congrès de l’année. On réunira un fonds commun de positifs sur verre pour projection représentants les aspects, les sites, les monuments de Normandie. Ces boites de clichés seront mises gratuitement à la disposition des sociétés pour leurs conférences, à celle de tous les établissements d’instruction pour favoriser l’introduction de notions régionales, “localisées” dans les cours d’histoire et de géographie. Sur proposition de M. Gayant, conseiller général, il est prévu que le prêt de ces clichés sera proposé au service cinématographique départemental institué dans la Seine-Inférieure. Le secrétaire des “Amis du Vieux-Havre” est désigné pour centraliser le matériel et la correspondance des propositions.
Enfin, le Congrès, sur l’offre de la société historique de l’Orne, décide, avant de se dissoudre, que la session de 1925 sera tenue à Alençon.