M. Casimir-Perier a lu ensuite un admirable discours sur cette question : La République a-t-elle bien ou mal fait d’appliquer à l’enseignement primaire la gratuité, l’obligation et la laïcité ? Il a indiqué l’idéal très élevé qu’il s’est formé des résultats de l’enseignement donné aux deux sexes : “créer l’union spirituelle, celle du père et de la mère de famille.” Il a eu des expressions heureuses et faisant image sur une infinité de points et si, comme je le crois, ce discours est imprimé en une brochure avec compte-rendu de la fête, pour ben perpétuer la mémoire, demandez-en des exemplaires, vous les y retrouverez avec plaisir.
Quant au fond même du débat, M. Casimir-Perier pense, avec un assez grand nombre de républicain - et avec Francisque Sarcey notamment qui poursuit dans ce sens une vigoureuse campagne – qu’il faudra revenir d’une façon ou d’une autre, sur la gratuité absolue. La famille aisée qui ne paie pas ne doit pas toujours continuer à ne rien payer quand le budget de la commune s’obère de plus en plus. Partisan déterminé de l’obligation, M. Casimir-Perier est un champion éloquent de la laïcité. “Aux yeux de nos adversaires, a-t-il dit, notre péché mortel c’est la laïcité. Ils disent de nos écoles : les écoles sans Dieu. Nous disons la neutralité religieuse de l’école. Aucune république ne cédera là-dessus. La liberté des consciences en dépend. Si on ne veut pas de l’école neutre, il faudra demander à l’instituteur d’enseigner avec une conviction égale toutes les religions. En lui recommandant de n’en enseigner aucune, nous avons sauvegardé l’indépendance de l’enfant et de la famille.”
M. Casimir-Périer a donné ensuite les preuves matérielles du haut enseignement moral et religieux, inscrit dans les programmes rédigés par M. Jules Ferry et pratiqué dans les manuels de MM. Liard et Compayré. “Le dieu dont il est question là-dedans, a-t-il dit, n’est pas celui du Syllabus, mais celui qui, tôt ou tard, mettra l’humanité d’accord.”
L’auditoire a écouté ce discours avec une attention profonde et soulignée de ses applaudissements les meilleurs endroits. Il n’est pas beaucoup de villes où une conférence aussi élevée pourrait être goutée à ce point.
Vous connaissez déjà par ma dépêche le toast de M. Leborgne, maire de Fécamp ; mais j’ai omis de mentionner un toast qui lui a été porté à lui-même et qui a été accueilli par de chaleureux applaudissements.
Intervention de M. BOUFFARD représentant M. HENDLÉ :
En parlant au nom de M. Hendlé, en ce moment en congé, M. Bouffard, conseiller de préfecture, a remporté un succès personnel fort remarqué. Il parle avec aisance, avec distinction, et l’esprit d’à-propos, rare mérite chez un administrateur, semble sa qualité principale. C’est ainsi qu’il a su rattacher l’inauguration des écoles de Saint-Ouen aux idées soutenues par M. le préfet dans son rapport au conseil général ; rappeler le succès personnel de M. Casimir-Perier passant, il y a une année, en tête de la liste républicaine ; préciser en quelques mots heureux, la place prise par M. Delaunay, au conseil général, et celle qu’il saura s’y faire bientôt. Le gouvernement ne saurait trop se louer de s’être acquis un administrateur aussi bien doué, et surtout il ne devrait pas tarder à mettre ses talents en usage.
Intervention de M. TROUARD-RIOLLE
Avec M. Trouard-Riolle, l’union politique de la députation de la Seine-Inférieure a commencé à s’affirmer : “En venant parmi vous, a-t-il dit, e voulais attester le véritable caractère du scrutin de liste, qui a fait des députés de circonscription les représentants du département tout entier ; je voulais vous montrer que si, dans le passé, vos députés n’ont jamais manqué à la défense de vos intérêts, ils y manqueront moins encore aujourd’hui. (Vifs applaudissements).
“M. Casimir-Perier a dit qu’il ne ferait pas de politique. Il n’a fait que cela, et il ne pouvait pas faire de politique meilleure que la politique scolaire. Cependant il a invité ses collègues à parler politique à sa place. Sur ce terrain je n’ai qu’une chose à dire : affirmer la solidarité républicaine, affirmer que nous députés de la Seine-Inférieure devons marcher la main dans la main et surtout la main dans la main de nos électeurs, contre la coalition monarchique et cléricale.”
M. Trouard-Riolle qui n’était pas personnellement connu des électeurs républicains de Fécamp a produit la meilleure impression par un discours qui répondait au sentiment général.
Source : Journal de Rouen dus27 et 28 septembre 1886 - Archives Départementales de la Seine-Maritime.