CAMP-FESTIF - Quelques Grands Événements - 1886 Inauguration de Écoles Saint-Ouen
Page créée le 02.12.2018
 
      5. La Cérémonie d'inauguration .... Le Banquet ... :
 
         Presse régionale des 27 et 28 septembre 1886 :
À FÉCAMP
INAUGURATION DES ÉCOLES DE SAINT-OUEN
(De notre Correspondant spécial)
 

     À l’entrée de l’école, M. Leborgne rappelle en quelques mots quelle luttes il a fallu soutenir pour obtenir cette école ; il indique les conditions dans lesquelles on l’a construite, et de la part prise sous la forme d’une subvention, par M. Handisyde père.
      M. Leborgne termine ce petit discours très simple par ces mots : “Vous allez voir mon œuvre ; nous souhaitons surtout que vous en soyez satisfaits”.

     Tandis que ce discours est salué par de chaleureux applaudissements, la musique des Enfants de Fécamp joue la Marseillaise et des salves d’artillerie annoncent l’inauguration de l’école. Ã ce moment, le programme subit un petit accroc M. Casimir-Périer devait prononcer un discours pendant la visite ; mais la perspective de laisser ses auditeurs debout l’a engagé par pure bonté d’âme, à parler dans la salle de banquet. Sera-ce au commencement ? sera-ce au dessert ? Nous le saurons dans un instant. Il est quatre heures précise.

     
Commencé à cinq heures le banquet finit à neuf heures. La salle étant à longue distance du bureau télégraphique, il faut donc être bref. Et cependant jamais réunion républicaine n’a été plus chaude, plus cordiale, plus enthousiaste. Cinq cents convives, heureux de fêter ensemble le succès définitif de la République à Fécamp, dans cette grande salle de filature qui, il y a cinquante-six ans, retentissait des acclamations des gardes nationaux saluant l’aurore de la liberté. Mais ce que je ne vous ai point dit, c’est qu’à ce banquet, grâce à une souscription très modique, on voyait toutes les nuances du parti républicains, ouvriers et patrons confondus dans un même sentiment. Les mets, peu nombreux, étaient excellents, et on y a fait honneur : “Je souhaiterai, disait un de nos député, que la cuisine politique que je servirai à mes électeurs valût toujours la cuisine qu’ils me servent aujourd’hui.”

     
      Tout le monde était de joyeuse humeur et il ne fallait pas être observateur bien exercé pour remarquer avec quelle affectueuse déférence M. Casimir Périer, président de la fête, était accueilli de toutes parts. Il y avait dans les esprits une telle satisfaction de se sentir entre soi, confiants les uns dans les autres, que le départ inattendu de MM. Siegfried et Félix Faure au milieu du repas, causa une véritable déception. Cinq députés représentaient toute la députation de la Seine-Inférieure ; on ne pouvait les laisser partir sans regrets, il ne fallut pas moins, pour calmer ce fâcheux effet, que le toast de M. Félix Faure à M. Casimir Perier, que le toast de M. Siegfried au vainqueur de la veille, M. Delaunay, et surtout les paroles de M. Siegfried motivant son départ sur une audience du ministre de la marine, en vue de demander la commande d’un croiseur et d’autres navires pour les chantiers de construction maritime du Havre.

      Alors il y eut un revirement complet. Les applaudissements éclatèrent coupés d’interpellations chaleureuses : “Bravo ! Bonne chance ! Vous faites votre devoir ! Nous vous félicitons !” M. Siegfried y mit fin en répliquant : “C’est à nous de vous féliciter pour vos admirables victoires républicaines.”

      Ainsi se termina cet incident imprévu qui ne fit qu’accélérer l’enthousiasme dont nous allons être les témoins à la fin du banquet.
 

     Au dessert, M. Casimir-Perier se leva, il tenait à la main un nombre respectable de feuillets de papier. Mais ce qui, de beaucoup d’autres, aurait semblé inquiétant n’est de sa part que la promesse d’un régal aux délicats. Les fécampois se font toujours une fête de l’entendre.

     Le Toast de M. CASIMIR-PERIER :

     M. Casimir-Perier porta d’abord la santé de M. Grévy. J’aurais voulu noter exactement ce petit toast, mais je me suis laissé aller au plaisir de l’écouter sans l’écrire : La première parole, a-t-il dit ou à peu près, doit être pour le chef de l’Etat républicain. Son rôle est tout entier de modération, de discrétion et de renoncement. C’est un rôle bien effacé que lui impose la Constitution et s’il donne de hautes réjouissances il commande une abnégation plus haute encore. Il faut s’avoir s’abstenir quand on voudrait agir, quand on sent qu’on pourrait agir.

      “Je ne veux pas vous parler de politique. Si on est satisfait de ce qui se passe on a le regret de n’avoir pas à féliciter le président des heureux effets d’une initiative dont il est dépourvu ; si on n’est pas absolument content, si on a quelques restrictions à exprimer, on le félicite de son irresponsabilité. C’est mon cas. Il est des choses que je pense et que je ne pourrais vous dire, comme il en est que vous pensez et que je ne vous dirais pas davantage parce que je ne les pense point. Si j’ai quelque défiance c’est peut-être un effet de l’âge. Aussi je laisse à mes collègues plus jeunes et plus ardents le soin de vous parler de politique.”

      Cette déclaration est applaudie par l’auditoire tout entier. Je ne saurais trop répéter, et j’aurais à le redire encore, combien ces applaudissements sont significatifs. Confiante dans le caractère de M. Casimir-Perier, la démocratie de Fécamp respecte son entière indépendance. Elle sait ce représentant cordialement dévoué à la République et elle ne s’inquiète pas des points de détail sur lesquels elle peut différer avec lui. Elle sait qu’il n’a pour guide que sa conscience. D’ailleurs, comme vous le verrez par la suite, nous devions apprendre bien vite que la politique de la députation de la Seine-Inférieure, a l’adhésion complète de M. Casimir-Perier et que sa défiance n’a pour cause que ces sottises intransigeantes contre lesquelles notre députation s’honore de lutter.

Source : Journal de Rouen des 27 et 18 septembre 1886 - Archives Départementales de la Seine-Maritime