Journal de Rouen 18 octobre 1920
L’Exposition
Organisée en quelques jours, cette exposition a littéralement émerveillé les visiteurs. Certains parlementaires qui avaient été il y a quelques semaines à Lorient pour la quinzaine du poisson n’hésitaient pas à dire que l’exposition fécampoise battait celle de Lorient de cent coudées. De grands tableaux de statistique parlante montrent dès l’entrée l’importance de Fécamp tant comme tonnage de pêche que comme salaisons ; voici l’ordre des ports français : Boulogne, Fécamp, La Rochelle, Saint-Malo, Dieppe, Arcachon, Lorient….
Au cours de la visite dirigée par M. Jouette, la Symphonie amicale, sous l’habile direction de M. Verhaegen se fit entendre pour le plus grand plaisir de l’assistance.
Tous les stands sont arrangés avec le meilleur gout. Salaisons, filets de pêches, constructions navales, vêtements huilés, biscuits, fonderies, huileries, liqueurs, meubles d’art, cidres, lin, grands chaluts à 3 câbles, tableaux, photographies, journaux etc…, etc…, toute l’industrie locale est réunie sous la grande halle.
Une mention spéciale pour les ramendeuses, qui jettent une note gracieuse dans cet ensemble, qui témoigne du bel effort de la cité maritime et industrielle.
À la Goutte de Lait
Le temps presse. Le cortège se dirige vers la goutte de lait, l’œuvre admirable créée par le docteur Dufour “pour lutter contre la mortalité infantile par tous les moyens possibles : 1° en donnant des conseils aux mères ; 2° en encourageant l’alimentation maternelle ; 3° en distribuant du lait quand le sein fait défaut ou est insuffisant.”
Les ministres après avoir présidé à la pose d’une table commémorative du 25e anniversaire de la création à Fécamp de la première des “gouttes de lait” en 1894 expriment leur admiration et leur reconnaissance au docteur Dufour.
Le docteur remercie les personnes venues lui apporter leurs précieux encouragements, et faisant l’historique de l’œuvre remarquable, il tient à souligner les concours dévoués qui lui ont été apportées de toutes parts il n’oublie personne sauf lui ; il cite donc : Mme Hippolyte Chédru, trésorière depuis 25 ans ; Mmes Camille Dubosc, Paul Delaporte, Charles Handisyde, Laniel ; Melle Leberquier, M. le docteur Maupas, et enfin la maire M. Martot.
Tout le monde applaudit et s’associe aux éloges décernés par le docteur Dufour à ses collaborateurs, mais chacun aussi y associe le docteur Dufour, le créateur des Gouttes de Lait, et qui est toujours l’âme de celle de Fécamp.
M. Bignon remet des médailles justement méritées à Mmes Delaporte, Dubosc, Charles Handisyde, et Melle Le Barquier.
On visite ensuite le si curieux musée de l’enfance où tant de documents intéressants sont amassés, puis le cortège se rend au dispensaire du bureau de bienfaisance avant de retourner au Casino où sont réunis les anciens combattants.
Au Casino
Musique en tête, les autorités arrivent sur la terrasse du Casino. Sur les marches du perron sont rangées les sociétés de Vétérans de 1870, des combattants de la Grande guerre, des mutualistes, des gymnases de Bois-Rosé avec leurs drapeaux. Devant l’assistance très nombreuse, M. Bignon remet la croix de la Légion d’honneur à M. Cavelier, Jules, le vaillant sauveteur deux fois titulaire du prix Durand, dont la poitrine est littéralement couverte de médailles.
Puis M. Bernieau, président de la Fédération des anciens combattants de la Seine-Inférieure, présente la Société des anciens combattants de Fécamp, qui fut la première créée en France.
Au milieu des applaudissements, M. Le préfet appelle les noms de mutualistes qui figurent sur la dernière liste des médaillés de la mutualité. Ce sont : MM. Belloncle, Leleu, médailles d’argent ; Michel, Palfray, Boulet, Delamotte, Joignant, Hariel, Pottier, Renault, Rousseau, médailles de bronze.
M. Thoumyre fait ouvrir le ban et au milieu de l’émotion générale, après avoir lu leurs magnifiques citations, il remet la croix de la Légion d’honneur au capitaine Thénard, puis la médaille militaire et la croix de guerre au soldat Delamarre.
S’adressant à ses anciens camarades de combat, le ministre les félicite au retour des tranchées d’être restés unis comme au front. Il salue M. Bernieau, président de la Fédération départementale, et esquisse le devoir des Sociétés d’anciens combattants dont le faisceau solide assurera la reconnaissance des droits des soldats de la grande guerre et la réalisation des promesses qui leur ont été faites.
“Si vous avez des droits, n’oubliez pas vos devoirs. Vous étiez l’armature de la France pendant la guerre, vous devez poursuivre ce rôle dans la paix dans le vaste champ des œuvres économiques et sociales qui s’ouvre aujourd’hui devant vous.”
Le ministre termine en saluant les vétérans de 1870 dont le souvenir ne peut être séparé de celui des vaillants de 1914 qui ont donné la victoire à la France.
À la bénédictine
MM. Paul Bignon et Robert Thoumyre ne voulurent pas quitter Fécamp sans avoir visité la Bénédictine – l’importante industrie dirigée avec tant de compétence par MM. Le Grand – dont les exportations concourent à améliorer notre change et fournissent au port de Fécamp un fret précieux.
M. Le Grand, le sympathique conseiller général, fait les honneurs du vaste établissement : on visite successivement la distillerie, les caves, le service de mise en bouteilles, la scierie, les magasins d’emballage. On s’arrête quelques instants au musée, tandis que les Ministres apposent leur signature sur le livre d’or et l’on se rend ensuite dans la grande salle d’honneur, où un vin d’honneur est servi au personnel entier et aux visiteurs.
M. Le Grand retrace l’historique de la Bénédictine, œuvre de son père, M. Alexandre Le Grand. Il cite quelques chiffres intéressants : le montant des exportations de l’établissement dépasse 22 millions de francs ; par les taxes et droits qui frappent les liqueurs, l’État grâce à l’industrie fécampoise, voit entrer annuellement dans ses caisses près de 2,5 millions de francs. L’orateur termine en levant son verre en l’honneur des ministres et de la république.
M. Bignon répond. Il évoque la figure de M. Alexandre Le Grand, le travailleur acharné et inlassable, qui, comme conseiller général, laissa dans la mémoire de ses collègues de l’assemblée départementale un souvenir impérissable. Le ministre dit combien il est heureux de sa visite à Fécamp :
La Normandie s’est mise au labeur, elle donne l’exemple au pays, elle concourt puissamment au prélèvement économique de la patrie. Une pareille journée permet d’envisager avec confiance l’avenir de la France, elle doit nous rendre plus fiers encore d’être normands. Je souhaite que ce jour puisse être marqué d’un caillou blanc dans les annales de votre belle cité.
C’est sur ces mots que la réception prend fin.
Journal de Rouen du 18 octobre 1920 - Archives départementales de la Seine-Maritime - cote JPL 3_262