4. Les commentaires
Pour la seconde saison placée sous la direction d’Eugène Jolivet, les critiques et commentaires vont bon train, nous en avons relevé quelques-uns :
Représentation de la Mascotte. Soirée très convenable. La troupe me paraît être d’une suffisante homogénéité : c’est l’important. Mon appréciation sur les artistes, je l’ajourne encore : dans les Mousquetaires au Couvent, je pense devoir m’édifier plus sûrement.
Quant aux chœurs, ils me semblent contenir de bons éléments, mais l’ensemble laisse à désirer. Par bonheur l’habileté du chef d’orchestre, M. Lejolivet, les maintient et les soutient. L’orchestre ne laisse pas grand-chose à désirer... La plage Normande illustrée n° 8 - 26 juillet 1888
Ce matin, le temps est beau. Cela m’étonnera bien s’il ne pleut pas avant la nuit. Véritablement, juillet se conduit d’une déplorable façon ! Les baigneurs sont rares, cela va de soi et M. Lejolivet n’est pas content dame ! Il fait pourtant son possible, M. Lejolivet, pour s’attirer les faveurs de la Fortune : sa troupe est bonne, son orchestre n’est pas mauvais, les petits chevaux courent dans la perfection, la toupie hollandaise a des ficelles neuves, et il y a encore des montgolfières dans quelques coins de la régie, j’en suis sûr. Non voyez-vous, blague à part, ça n’est pas vraiment rupin de la part du temps de nous la faire si souvent au vent et à l’eau. Nous avons eu hier une amusante 2ème du Petit Duc. Dimanche, La Petite Mariée. À l’étude l’Amour Mouillé qui sera un succès, je vous en réponds. La plage Normande illustrée n° 9 - 29 juillet 1888
En attendant que soient montées les nouveautés promises, M. Lejolivet nous fait passer en revue le répertoire courant. Jusqu’à ce jour nous avons eu au théâtre du Casino : La Mascotte, Gillette, Le Petit Duc, La Petite Mariée et les Pantins de Violette. Dans ces ouvrages nous avons été à même d’apprécier le savoir-faire des artistes lyriques, et nous n’en sommes pas mécontents….. Quant à ce qui est de la Comédie, ça ne va pas, ça ne va guère, et la représentation de Prête-moi ta Femme, hier 31 juillet, n’était à notre sens qu’une mauvaise répétition…… L’année dernière, on trouvait que M. Lejolivet ne donnait pas assez de comédies, car ses éléments d’alors étaient bons ; je doute fort qu’on lui en réclame cette saison. La plage Normande illustrée n° 10 - 2 août 1888
Jeudi, représentation de la Fille du Tambour-Major. La pièce a marché cahin-caha. Le temps paraît s’être mis au beau, est-ce définitif ?...... La plage Normande illustrée n° 11 - 5 août 1888
Sera-ce une saison ratée ? Certes, il y a coalition de pluie et de vent, et trois heures de beau temps en suivant sont jusqu’ici, inégalement et chèrement compensées par trois jours de temps haïssable…..Malgré tout et pour employer la locution chère aux agents de location, le monde arrive. Cette semaine a amené un respectable contingent de baigneurs, ou pour mieux dire de touristes, car il y a encore assez peu d'ébats parmi les vagues. Nous voilà pourtant au 8 août !
Au casino le petit train-train quotidien du programme se continue. À part dimanche dernier, une première première de l'Amour mouillé, une opérette relativement nouvelle des Nouveautés et que Brasseur a totalement épuisé à la fin de l'an passé, je ne vois rien de bien neuf à signaler ..... La plage Normande illustrée n° 12 - 9 août 1888
Mercredi soir, vers 10 heures, je me rendais au Casino pour entendre Bosquin. Quand j’arrivai, je constatai que les feux de la salle de spectacle ne brûlaient pas. Des conciliabules de gens manifestement sous le coup d’un événement, des va et vient effarés d’inquiétude dans la cour lugubre peu ou pas éclairée par le gaz lointain et chiche du café et des petits chevaux.
Nous apprîmes que, très régulièrement, à l’heure fixée par le programme, les portes avaient été ouvertes, que le lever de rideau : le train n°12 prélude du concert avait été joué normalement devant quarante personnes, et que par suite de cette inattendue rareté d’auditoire, M. Bosquin, après un coup d’œil au trou du rideau, avait déclaré n’être point disposé à jouer devant des banquettes.
La plage Normande illustrée n° 13 - 12 août 1888
Dimanche vous avez dû vous divertir un brin avec la représentation de la Créole ? La collaboration d’un Millaud et d’un Offenbach, bigre ça n’engendre pas la mélancolie !
La plage Normande illustrée n° 14 - 15 août 1888
La représentation de Faust, donnée au casino, le 22 au profit des pauvres de la ville, sous le patronage de l’administration municipale (ouf), a produit une excellente recette, et (en avant la formule !), les pauvres seront contents.
La soirée n’a pas été mauvaise, au point de vue artistique. Les artistes venus du dehors pour tenir les rôles Marguerite, de Faust et de Méphisto, ne nous ont certainement pas fait crier au miracle, mais néanmoins nous devons reconnaître qu’ils ont satisfait leur nombreux public…… Les chœurs ont marché d’une façon satisfaisante, et je n’ai pas à me plaindre de l’orchestre….
Pas d'autre matière à chronique, le temps s'est remis au beau, on prend des bains. ceux qui n'en prennent pas continuent de regarder la mer, les galets, occupés qui à broder des pantoufles, qui à lire Maupassant, Loti ou Maizeroy, qui ... à ne rien faire. Au Casino, il y a toujours des petits bals, les petits concerts et les petits chevaux, que de petites choses !....
La plage Normande illustrée n° 17 - 26 août 1888
Dimanche ont eu lieu, devant le Casino, les Régates de Fécamp, beaucoup de monde, peu de soleil et une mer agitée. M. Lejolivet avait mis la grande salle du casino à la disposition de la Société des Régates qui y a fait sa distribution des prix. Le soir à la représentation de la Mascotte, il y avait foule et on étouffait.
La plage Normande illustrée n° 18 - 30 août 1888
Dimanche dernier, première représentation du Grand Mogol …..nous attendons la seconde pour dire notre opinion sur la façon dont, en cette circonstance, les artistes de M. Lejolivet remplissent leur tâche.
La plage Normande illustrée n° 19 - 4 septembre 1888
Les relations se dégradent !! Lu dans la Plage Normande illustrée du 13 septembre 1888 :
Pour nous, chroniqueurs intègres mais bienveillants, quelle plus à la fois ridicule et glorieuse occasion de crier, en nous drapant, que notre plume n’est pas à vendre !!! Voici pour l’intelligence de la baroque phrase qui précède, la très textuelle copie d’une lettre qu’a reçu, samedi dernier, notre Directeur-Gérant :
“ Cher Monsieur,
“Je supprime, à partir de ce soir, les entrées de la Plage Normande. J’espère que ce journal ne me mettra pas dans la nécessité de vous retirer ma clientèle : ce qu’à mon très grand regret je ferai sans hésiter à la première attaque. Bien à vous.”
Signé : LEJOLIVET
“Pan ! dans l’œil ! comme ne manquerait pas de s’écrier l’indescriptible Albert Fox. Oui, voilà. Nous ne savons pas ce que vous en dites, mais, pour notre part, nous vous certifions que nous sommes pas mal surpris de cet ukase altier. – Plus surpris qu’affligés, il faut le dire tout d’abord. - Jusqu’aujourd’hui, pendant le cours de cette saison, si médiocre à tous points de vue et principalement au point de vue du temps, nous avons montré pour M. Lejolivet, directeur-fermier du casino municipal de Fécamp, une bienveillance qui n’est pas contestable. Il serait encombrant de le démontrer, car l’inventaire des compliments adressés en général, tant à la direction qu’aux artistes du susdit casino, serait assez long pour emplir quelques colonnes de ce journal.
“Les lecteurs qui ont du temps à perdre peuvent parfaitement s’en rendre compte par un coup d’œil rétrospectif jeté sur les chroniques passées. Donc, nous avons été bienveillants. Devant l’attitude actuelle de la direction du Casino Fécampois, nous ne pouvons dire, maintenant que nous aurions eu bien des raisons de l’être moins, et nous ne pensons pas que les quelques critiques, qu’il nous a été impossible de ne pas faire, aient pu et puissent être jamais envisagées comme DES ATTAQUES. Attaques voilà un mot pas long, mais bien gros. Nous avons beau chercher, nous ne trouvons à aucune de nos critiques une allure agressive…..
“…. Par hasard, le post-scriptum de la dernière chronique touchant “ l’odeur infecte qui règne (ou qui régnait… - peut-être, depuis, y a-t-on remédié… ?) est-il cause de ce que nous ne sommes plus, à l’heure qu’il est, en odeur de sainteté ?....”
La plage Normande illustrée du 13 septembre 1888
Les numéros de La plage Normande Illustrée cités en référence, sont issus d'une collection,
aimablement mise à notre disposition par J.-P. Durand-Chédru.