Journal de Rouen : 5 août 1889
L'USINE ÉLÉVATOIRE - LE RÉSERVOIR
Le principal inconvénient de Fécamp est certes son étendue et la longueur indéfinie de ses rues interminables : il nous faut de la place de l’Hôtel-de-Ville aller courir non sans peine sous un soleil assez vif jusqu’au bout de la rue de Rouen pour visiter le réservoir et l’usine élévatoire qui transporte les eaux, jusqu’à la côte Saint-Jacques d’où elle descend ensuite et se répand dans tous les quartiers et principalement dans le quartier du port. La source Gohier qui doit desservir tous les habitants d’un quartier populeux ne date pas d’hier : depuis longtemps il avait, sous de précédentes administrations été question de l’achat de la source du Nid-de-Verdier, appartenant à M. Follin, l’acquisition qui fut faite en 1884, dans le but qu’il a été possible de réaliser sous l’administration de M. Le Borgne.
Il nous faut bien rappeler que cette distribution d’eau, si nécessaire et si utile à la population, a de tout temps été l’objet des études de tous ceux qui se sont intéressés à la prospérité de Fécamp.
Comme tous les moines qui surent toujours organiser à merveille toutes les conditions de leur vie intérieure, les religieux de Fécamp s’étaient vivement préoccupés du service de l’eau dans leur abbaye. C’est eux qui, suivant les mémoires et les requêtes qu’ils produisirent en 1770 et en 1772, détournèrent une partie de la rivière et amenèrent ce ruisseau de la Voûte à Fécamp, où ses eaux remplirent les fossés de la forteresse construite par Guillaume Longue-Epée, furent conduites ensuite dans l’abbaye même, avant d’être employées à faire tourner avec fracas les roues du vieux moulin Duglé.
Cette source Gohier qu’on inaugurait hier, est un peu aussi leur ouvrage : c’est un des abbés de Fécamp, messire Guillaume IV de Putot, qui fit entreprendre tous les travaux nécessaires pour conduire cette source située dans la quartier Saint-Valery, au hameau du Nid-de-Verdier. Les canaux qui furent faits alors ne mesuraient pas moins de 2.500 mètres de longueur. L’eau était reçue dans un bassin que beaucoup plus tard un autre abbé de Fécamp, dont le nom nous est bien connu, car il fut le grand bâtisseur de l’église Saint-Ouen, Antoine Bohier, fit embellir et orner magnifiquement et décorer d’une statue en marbre blanc, admirable travail d’un artiste.
On était alors en pleine renaissance ; aujourd’hui, nous sommes dans le siècle de la vapeur et des machines ; aussi l’usine élévatoire est-elle des plus curieuse à visiter. Elle est située dans l’ancienne école Saint-Ouen, dans les sous-sols, et comprend deux pompes du système Badois, d’une force de 15 chevaux, élevant 15 litres à la seconde : il suffit de vingt-deux heures pour remplir le grand réservoir de 1.200 mètres cubes situé au haut de la côte Saint-Jacques qui domine toute la ville.
Toute une canalisation nouvelle, indépendante de l’ancienne canalisation des moines, porte l’eau dans toute une partie de Fécamp. Le service de l’eau est aussi assuré pour toutes les habitations et les chalets du vallon de Renneville ; il était depuis longtemps réclamé, grâce à l’installation d’un bélier hydraulique placé sur la canalisation des eaux venant du vallon de Grainval.
Tous ces travaux ont été conduits par M. Gentil, architecte du service des eaux. Le montant des devis des travaux s’est élevé à environ 160.000 frs, dont il faudra déduire les rabais faits sur les adjudications.
LE BANQUET
Le banquet a eu lieu dans la jolie salle du Val-aux-Clercs, qui a reçu pour la circonstance, une décoration nouvelle. Partout des écussons tricolores et des cocardes disposées au milieu de feuillages ; le long des galeries deux cartouches portent la date du 4 août 1789. Cent soixante-quinze convives prennent place à cinq tables disposées perpendiculairement à la table d’honneur. A celle-ci, M. le préfet préside, ayant à sa droite M. Le Borgne, maire ; Métivier, inspecteur d’Académie ; Avisse, adjoint au maire ; Bret, secrétaire général ; Corbeaux, ingénieur des ponts et chaussées ; gentil, ingénieur des eaux ; à sa gauche MM. Boulanger, sénateur ; Delaunay, conseiller général ; Bechmann, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; Laroche, sous-préfet ; Avenel, adjoint au maire de Fécamp ; Guernet, adjoint au maire de Rouen ; Albert, architecte de la ville.
Bon nombre de conseillers municipaux assistent également au banquet. MM. Nunès, maire d’Yport ; Boissaye, maire d’Etretat ; le Baillif, maire des Loges ; Ternissien, maire du Tilleul ; les maires de Criquebeuf, Graville, de Bretteville, de Sauzzemare ; des instituteurs, M. Bouillon, directeur de l’Ecole du Port ; Terrien, directeur de l’Ecole de l’Hôtel-de-Ville ; les instituteurs de Tourville, de Saint-Léonard, d’Yport, des Loges, de Gerville. Le menu, fort bien servi par la maison Lecœur, est orné de photographie représentant les nouvelles constructions des maisons d’écoles.
Au champagne, M. Le Borgne, maire de Fécamp, prend le premier la parole. Il fait rapidement l’historique de la création du service des eaux et rappelle que cette question qui, mise à l’étude, n’avait pu recevoir de solution, a été enfin résolue à la suite d’un rapport de M. Delaunay en août 1886, et a pu être menée à bien grâce au concours de M. Bechemann, l’habile ingénieur de la ville de paris.
M. Le Borgne, étudiant ensuite la question scolaire, montre que la création des différentes écoles de la ville n’a point grevé extraordinairement le budget municipal.
Les écoles de la ville de Fécamp ont en effet, coûté en tout 296 000 francs. Sur cette somme générale, l’État et le département ont fourni 101 000 francs, la ville 195 000 francs.
L’orateur termine son discours, fort applaudi, en portant la santé du président de la République, celle du préfet et des instituteurs.