30 novembre 1913, salle du Val-aux-Clercs : Première, d'une nouvelle Revue locale en 3 actes et 4 tableaux.
On peut dire de cette nouvelle revue fécampoise FÉCAMP-RATAPLAN qu’elle est le modèle du genre. Genre difficile et délicat, s’il en fût, et qui demande de l’à-propos, du tact de l’esprit, mieux du talent . . .
Le livret se recommande par mille qualités qui sont celles de l’auteur de FÉCAMP-TROTTE dont le succès est encore présent à la mémoire.
Originalité, esprit, gaieté, bonne humeur, y sont répandues à fusion. La satire est finie ; elle égratigne sans blesser. C’est le comble de l’art pour un revuiste local qui a tant de choses à savoir et tant de susceptibilités à ménager.
Il nous est vraiment agréable de parler longuement aujourd’hui de la revue locale Fécamp-Rataplan. Une revue est toujours un événement dans une cité comme la nôtre. Et puis celle-ci est vraiment si gaie, si à la portée de tous et la symphonie a fait un si méritoire effort pour la présenter au public, que nous nous devons en informateurs impartiaux et désireux d’encourager tout ce qui favorise la vie locale, d’apporter à l’auteur, a ses metteurs en scène et a ses interprètes, les félicitations et les remerciements les plus chaleureux.
Le Livret :Le livret se recommande par mille qualités qui sont celles de l’auteur de Fécamp-trotte, dont le succès est encore présent à la mémoire. Originalité, esprit, gaieté, bonne humeur, y sont répandues à fusion. La satire est finie ; elle égratigne sans blesser. C’est le comble de l’art pour un revuiste local qui a tant de choses à savoir et tant de susceptibilités à ménager. En outre rien n’y sent les Folies-Bergères, c’est une bonne et saine revue que tout le monde peut voir, ou la mère peut conduire sa fille, suivant le cliché célèbre. C’est un spectacle distrayant par excellence, qui charmera, pour toutes les familles fécampoises, quelques-unes des longues soirées d’hiver.
Mais avant le lever de rideau contemplons-le donc lui-même. Car la salle du Val-aux-Clercs a un nouveau rideau dû au pinceau aussi désintéressé qu’habile de M. André-Paul Leroux, le peintre fécampois dont tout le monde ici connait et reconnait le très réel talent.
M. André-Paul Leroux a voulu représenter un paysage de partout et de nulle part. C’est aux pieds d’une montagne et dans un site pittoresque, un pavillon isolé, de style moderne, qu’entoure une pièce d’eau artificielle agréablement, bien que savamment combinés. Le tout s’enveloppe d’une teinte et d’un ciel de neige qui contribue à donner le caractère impersonnel que l’auteur a cherché. Il n’en a pas moins fait lui-même une œuvre très personnelle, qui porte bien le cachet de son pinceau et de son coloris. Avec ce rideau, et sa décoration récente, la salle du Val-aux-Clercs présente maintenant le plus agréable aspect. Il n’y manque plus que des fauteuils d’orchestre, pour éviter l’entassement et les difficultés de circulation qui se sont produits dimanche soir.
Et maintenant levons le rideau :
Nous sommes à Ganzeville, le jour de la Saint-Lubin. Vous reconnaissez le joli coin, autour de l’église, sur le décor de M. Grugeon, l’habile décorateur de la Bénédictine, a brossé. Justement, une auto traversant l’assemblée, a eu la fâcheuse panne. C’est un taxi venant de Paris, dans lequel se trouve une princesse Serbe, la princesse Troubinouska, en compagnie du grand César, vous savez ? Le grand César dont l’ombre revient planer sur le camp romain de Toussaint. La princesse dort et le grand César veille !
La panne est le résultat d’un sabotage, d’un sabotage par amour ! Un officier de marine Pierre est amoureux de la princesse qu’il suit depuis la guerre de la Serbie avec la Turquie. L’ayant vue quitter Paris pour Fécamp, il l’a devancée et il rêve de se faire accepter pour guide, puis pour amant, aussi a-t-il crevé le pneu et percé le carburateur !
Il révèle la chose au chauffeur et le grand César entend tout. Bon enfant, il suggère à Pierre de se faire passer pour le génie des pêcheurs, et voilà toute l’intrigue nouée . . .
Alors la princesse se réveille. Elle vient à Fécamp, savez-vous pourquoi ? . . Pour trouver une cuisinière à l’usage de son père en Serbie ! Et justement voilà qu’il en arrive une de Theuville-aux-Maillots. C’est Julie avec sa maman. Et le rire commence. Ce n’est pas fini.
Alors Fécamp défile . . . Voici le type de Fécamp-grogne, un type en effet qui personnifie tous ceux qui ne sont pas contents. Voici la vieille halle, la nouvelle poste, la pisciculture, la sucrerie. Voici Fécamp-Rataplan qui bat des rataplan pour tout ce dont la ville est fière, depuis la Bénédictine jusqu’aux jolies fécampoises. Voici enfin les devantures fécampoises. Elles apparaissent à six ou sept, admirablement reproduites en d’exquises miniatures. Et là-dessus se brode l’aventure désopilante de Julie qui se distrait à la foire de Ganzeville et qui retrouve son « pays » José Cabillot, de Saint-Pierre-en-Port.
Qu’on nous excuse de ne pouvoir rappeler les coqs-à-l’âne qui relient avec une ingéniosité sans pareille toutes ces scènes ; le dialogue est souple et adroit. Encore un mérite et non des moindres, de la revue.
2e Tableau
Pierre s’est déguisé en génie des pêcheurs, et quand la princesse arrive à Saint-pierre-en Port, dans la maison d’un vieux matelot dont le futur gendre est à Terre-Neuve et dont la fille est la plus ravissante pêcheuse qui soit, elle est rejointe par son amoureux. Un fils de matelot, le Rocailleux, les égaie en leur dépeignant « Fécamp à l’envers ! » La chansonnette donnée par l’impayable Séverin Lair, est un des clous de la Revue. La place nous manque pour en citer les savoureux couplets. Ça se chante sur le fameux air de Notre-Dame d’Autretot, et l’on y voit M. Maurice Duglé, l’automobiliste à cheval sur une bourrique. M. Gayant, vénérable de la loge maçonnique ; M. Aristide Dupré, fervent catholique ; M. Marcel Le Grand, occupé à mettre de l’eau en bouteille à Grainval, et enfin M. Toutain directeur de la Brise suisse à l’Abbaye ! Un rataplan pour « Fécamp à l’envers ! »
Le Rocailleux n’a pas eu moins de succès avec la chanson des Rues qui apporte une solution originale, malheureusement impraticable, à la crise des loyers dont nous parlions samedi. La solution consiste à loger les vitriers rue du Carreau, les nourrices place des Hallettes, les échauffés rue Froide, les chauves rue Herbeuses, les jeunes filles sérieuses côte de la Vierge, les monteurs de bateaux au Bout-Menteux, etc ! . . Voilà un petit chef-d’œuvre d’esprit et le modèle de la chansonnette locale.
Ce second tableau est en outre plein de sentiments. La grande poésie de la mer y est exaltée à merveille par le vieux matelot, sous les « cirés » duquel se reconnait M. Courroy, déclamant admirablement de superbes vers de Richepin. Puis, il y a la petite pêcheuse qui s’endort en lisant une lettre du gars de Terre-Neuve, et son rêve s’objective sous nos yeux, car le fond de la cabane s’éclaire et voici le banc avec ses goélettes et ses doris . . Un rataplan pour M. Grugeon, l’habile décorateur ! Ce second tableau s’achève sur une impression sentimentale et poétique tout à fait exquise, tandis que la princesse et Pierre, la commère et le compère, échangent leur premier baiser.
Nous allons les retrouver au festival de musique et au Cinquantenaire de la Bénédictine. Le décor nous représente la perspective de la rue Théagène Boufart aux fêtes des 5 et 6 juillet. Alors c’est la fameuse chanson du cinquantenaire dont nous ne résistons pas au plaisir de citer le dernier couplet :
Il n’y eut aucune anicroche
Et l’on peut dire avec fierté
Que personne n’a fait de brioches.
Y a un point qu’on peut signaler :
On r’gretta l’absenc’ très amère
De la Municipalité,
Et pourtant, c’est Monsieur . . . Lemaire
Qu’a fait l’diner, qu’a fait l’diner.
On rit encore de la chanson des grues, les fameuses grues du quai Bérigny et de la chanson de l’égout collecteur si nécessaire pour enlever certaines effluves les soirs d’été ! Plus fine est la romance des directeurs du Casino. Tous ces Messieurs y passent et voici le couplet final !
Et, Messieurs, savez-vous comment
Ils ont dépensé tant d’argent
En gardant le même sourire
C’est simple et je vais vous l’dire
S’ils ont ainsi versé de l’or,
C’est qu’ils avaient un vrai trésor,
Possédant la ressource immense
Du ministère de . . . Finance !
Avec les couplets sur l’aviateur Levasseur, la salle s’emballe. Dimanche soir, Julien Levasseur et Adrien son frère étaient aux fauteuils d’orchestre ; Ils ont pu voir, à la chaleur des applaudissements, combien leur nom est populaire.
Le septuor des invités de la Bénédictine, imité de la Veuve Joyeuse et sur l’air de l’opérette célèbre, est des plus drôles et naturellement on voit apparaitre Dame Bénédictine en mirifiques atours.
Puis c’est l’apothéose patriotique qui est bien de circonstance, avec la personnification de la défense nationale, les beaux vers de René Fauchois sur l’aviation dit par M. Courroy, si martial en officier français, et le défilé des provinces françaises incarnées par les gracieuses figurantes de la revue. Le rideau tombe sur la meilleure impression.