Premier Acte
Le rideau se lève sur un décor brossé tout exprès par l’excellent peintre Grugeon. Si vous le voulez bien, arrêtons-nous un instant à la nouvelle poissonnerie. Voici le pourtour du Marché, en face le passage Sautreuil. Les affaires ne semblent aucunement souffrir de la crise économique. Ne faut-il point manger pour vivre !
L’acte débute par un chœur, prestement enlevé (Air : “Soldats de Faust ”); Fidèle et ravie, la clientèle célèbre les avantages de la nouvelle installation. Le poissonnier, M. Hauchecorne, dont la barbe et le ciré, la pipe et la prestance s’efforcent de copier une silhouette du monde maritime, répond à l’acheteur qui le harcèle de questions. Passe un vieux monsieur (M. Jean Lebon), une ingénue (Mlle Geneviève Levillain), une bourgeoise (Mlle Lucienne Panel) un client (M. Marcel Bodini)
On bavarde, mais le temps fuit. On s’inquiète de l’heure ? Chacun dit son mot, mais les montres ne concordent pas. Soudain apparait un joli cadran.
“ L’heure qui passe ”, (Mlle Renée Grenier) est très entourée. Elle dit les modifications apportées aux règlements. Ne voilà-t-il pas qu’elle a dû retarder ses aiguilles, Un paysan (M. René Prud’homme) n’en peut croire ses oreilles. Comment on veut brouiller les minutes et nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! . . .
Mlle Renée Grenier, qui possède une très jolie voix, nous rappelle le rôle que joue l’heure dans nos existences (Air : “ Symphonie Boston ”).
“Je suis l’heure de vos fantaisies,
“Je suis l’heure de vos chagrins.”
Mais de par son essence même, elle est appelée à disparaître. Ce n’est pas sans un vif sentiment de regret que nous la voyons s’éloigner ! Heureusement, elle promet de revenir bientôt.
Pendant qu’elle se retire, de nouveaux cadrans avancent en scène. Un veilleur de nuit (M. Nérée Lecointre), un moine (M. Etienne Tiercelin), un employé de la gare (M. Robert Cherfils), un horloger (M. Oscar Savalle) symbolisent les différences d’heure que l’on constate entre la Bénédictine, l’Abbaye, la gare et la place Thiers.
Puis toutes ensemble, les horloges se mettent à chanter, sur l’air de Malbrough, les différentes heures de la ville.
Conclusion :
“ Pour trancher cette histoire
“ Digue digue don diguedondaine
“Et savoir l’temps vraiment
“On va mettre un cadran
“Au bout menteux d’Fécamp. ”
Une brave commère s’aperçoit qu’elle perd un temps précieux à potiner. Elle veut s’approvisionner en poisson ! M. Brochet ne demande pas mieux quand, hélas, voici la concurrence en la personne d’une marchande ambulante, la toute gracieuse, la toute mignonne . . . Maurice Braquehaie.
La scène, disons-le tout de suite, est menée rondement. “ Allons ça ne trainera pas. Je vendrai ou je ne vendrai pas, explique cette aimable personne, mais je veux vendre, eh bien, ce n’est pas difficile, j’arrêterai et dégringolerai toutes les belles madames et tous les beaux messieurs qui défileront sous le passage Sautreuil . . ”
Et comme il est question d’aller quérir la police pour mettre un peu d’ordre dans les idées de cette furie, l’ambulante crie son dédain à l’endroit du bourgeois qui veut tout pour rien. Quant aux autorités, c’est inutile de les déranger ; il pourrait leur cuire, car la bourgeoisie paraît de taillé à se défendre.
Un agent (M. Joseph Rose) se présente. La marchande de poisson vient se mesurer avec lui puis tous deux exécutent un fox-trot bouffe sur l’air du “ Pélican ”. C’est d’un comique irrésistible. Bienvenue et bien conduite, la scène obtient un gros succès. On applaudit ferme et les rires fusent de tous les côtés.
Les colères s’apaisent, le calme renait quand la splendide jeunesse d’une jeune dactylo (Mlle Suzanne Grugeon), attise la flamme du vieux monsieur qui promène ses rhumatismes. La conversation s’engage. L’homme se fait aimable, s’intéresse à l’enfant, se montre curieux de savoir où elle prend de la distraction.
Au cinéma, parbleu ! Le dernier film est magnifique. On donne les « Trois Mousquetaires ». Athos et Aramis sont bien, mais Porthos est superbe et, du premier coup, Porthos a conquis le cœur de la petite dactylo. Mais, chut . . . C’est lui ! . . Le beau mousquetaire (M. Maurice Delassise) a lâché l’écran. Il apparait enveloppé dans son manteau, cherchant ç se dissimuler. Trop tard son admiratrice l’a reconnu. Le temps de narrer sa fugue, et voici qu’il reconnait Milady (Mme Clébant), une camarade, qui a fait la même chose que lui.
Porthos et Milady veulent excursionner dans Fécamp, mais Pathé est bien capable de donner leur signalement à la police. Comment faire ? L’amateur de cinéma (M. Séverin Lair) arrive à point nommé. Il sait tout, connait tout, veut aider Porthos et protéger Milady qu’il aime et dont il est aimé. Nos deux amoureux chantent un duo (Air : « La Mascotte . . (les dindons) » . C’est assez imprévu et la salle est en joie.
Porthos est trop discret pour ne pas se retirer. Il s’éloigne et court retrouver sa charmante dactylo. Pendant ce temps, l’amateur de cinéma et Milady échangent des impressions et tiennent conseil.
Porthos rentre avec sa gracieuse et fluette dactylo. En les apercevant, l’amateur de cinéma et Milady proposent d’organiser une fine partie de plaisir. Pour but d’excursion, on choisira le vallon de Grainval ou se tient la kermesse. Mais voilà . . Le moyen d’y aller sans être reconnus ?
L’amateur de cinéma propose de changer de costume. Porthos se mettra en Pékin, Milady en dactylo, celle-ci en Médicis et, lui, en mousquetaire. L’achat d’un complet ne nécessitera, parait-il, qu’une dépense de 39 francs (voir la réclame des grands journaux). Sur l’air des « Bidards » l’amateur administre la preuve que c’est chose impossible et qu’il vaut mieux encore s’habiller à Fécamp.
Porthos exige un complet élégant. On cherchera ; ce sera d’ailleurs beaucoup plus facile que de trouver de l’eau. Tout le monde geint sur la situation actuelle. La sécheresse a fait beaucoup de mal surtout sans les campagnes, où les cultivateurs tirent la langue depuis de longues semaines. On entend des cris. Ce sont ceux des fécampois qui s’impatientent. Les promeneurs sont nombreux. Tout le monde désire aller à Grainval. La scène se remplit, et c’est le cœur de fin d’acte (air “ Phi-Phi ”, bien enlevé et chanté avec beaucoup d’entrain).
“Ah, partons tous sans retard
“Par le chemin d’Saint Léonard
“ Dans une ardeur enchanteresse
“Chacun se presse
“Vers la kermesse ! ”
Des applaudissements éclatent. Le succès s’affirme, le public témoigne longuement de sa sympathie à la symphonie. Les acteurs sont fêtés.