Journal de Rouen 4 Juin 1892
La ville de Fécamp vient une fois de plus de se distinguer à l’occasion du grand concours international d’orphéons, de musiques d’harmonies et de fanfares, qui y a été donné dimanche et lundi.
Depuis une huitaine de jours, les habitants rivalisaient pour donner à la ville le coup d'œil le plus coquet et faire ainsi honneur aux nombreux musiciens qui devaient prendre part au concours. Chaque quartier avait tenu à faire pour le mieux, et grâce à cette émulation Fécamp présentait dès samedi le spectacle le plus gai et le plus pittoresque ; toutes les maisons étaient pavoisées aux couleurs nationales et à chaque coin de rue s’élevaient des arcs de triomphe d’un goût charmant ; les bois des environs avaient largement été mis à contribution, et de tous les côtés s’élançaient des guirlandes de verdure du plus bel effet.
Le comité d’organisation du concours musical avait de son côté pris toutes les mesures pour assurer le succès de cette fête, à laquelle ont pris part soixante-dix sociétés formant un ensemble de 3 000 exécutants. Une bonne part de ce succès revient à M. Maze, président, et au dévoué secrétaire général, M. Charles Leborgne, qui n’ont pas ménagé ni leur peine ni leur temps pour arriver à ce résultat.
Le beau temps a voulu lui aussi être de la partie : une légère ondée est bien tombée pendant quelques instants dimanche au moment où les musiciens prenaient leur repas, elle a eu un excellent effet dont personne ne s’est plaint, celui de faire tomber la poussière et d’arroser les rues. Pendant tout le reste de la journée le soleil a brillé du plus vif éclat, au grand contentement des nombreux excursionnistes venus, quelques-uns de très loin, pour assister à cette belle fête, à laquelle avait préludé la vieille
au soir une grande retraite aux flambeaux.
Après les concours de lecture à vue qui avaient lieu dans la matinée les sociétés se sont réunies à midi sur la route de Rouen pour procéder au défilé. Dans tous les concours musicaux, cette partie de la fête est toujours la plus populaire ; aussi est-il difficile d’évaluer le nombre de personnes qui s’étaient rangées en haies épaisses dans toutes les rues que devait suivre le cortège. Dès que la Société des Enfants de Fécamp qui ouvrait la marche, précédée d’un peloton de gendarmes, est apparue, les acclamations ont commencé à se faire entendre et ont continué sans relâche jusqu’à la fin du défilé.
Dans ce défilé d’un entrain superbe, et pendant lequel les musiques ont fait entendre successivement les marches les plus entrainantes, on a fort remarqué les jolis uniformes de certaines de ces sociétés ; notons au hasard l’Harmonie industrielle de Troyes, les Trompettes d’Etampes, l’Harmonie de Marcelcave, Le Choral de Montreuil-sous-Bois, toutes sociétés de choix, dont « le ramage valait assurément bien le plumage. »
Après avoir parcouru une partie de la ville, le cortège s’est disloqué sur la place de l’Hôtel-de-Ville et chaque société a gagné le lieu de concours qui lui avait été Assigné. Ces concours étant publics, les salles ont été bien vite remplies de nombreux auditeurs qui ne ménageaient pas leurs applaudissements après chacune des exécutions. On a particulièrement acclamé une société chorale de Paris qui a enlevé la Marseillaise avec un ensemble et un souci des nuances vraiment remarquables.
Pendant toute l’après-midi, le comité avait organisé des promenades en mer dont les musiciens ont largement profité entre deux concours. Trois steamers pavoisés ont effectué un va-et-vient continuel, sans que les voyageurs aient eu à souffrir des effets du mal de mer ; ils revenaient tous riant et chantant animant la ville de leur franche gaîté.
A cinq heures, toutes les sociétés se sont trouvées à nouveau réunies sur la place Thiers pour l’exécution du morceau d’ensemble, l’Etoile Normande, dirigée par l’auteur M. Pontel, directeur des Enfants de Fécamp. Cette exécution, à laquelle ont pris part près de 2.000 exécutants, a produit sur la foule un très grand effet ; et c’est par des salves d’applaudissements qu’il a été accueilli. L’Harmonie de la Bénédictine a pris part à cette fête ; c’était sa première sortie et la première fois qu’on l’entendait :
Cette première journée s’est terminée par un vaste banquet offert aux autorités et aux membres du jury, dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville, et par une grande fête qui a eu lieu au Casino.
La deuxième journée :
La deuxième journée des fêtes de Fécamp n’a pas été moins favorisée que la première, à tous points de vue : la foule était tout aussi nombreuse et le temps était encore plus beau que la veille. La matinée a été consacrée aux concours d’honneur, auxquelles ont pris part les sociétés de division d’excellence, de division supérieure et de 1ère division, ainsi que les sociétés des autres divisions ayant obtenu un premier prix d’exécution. Ces concours ont été particulièrement brillants et ont montré la valeur des sociétés concurrentes. Les principaux prix d’honneur ont « été enlevés par l’Harmonie de Marcelcave et l’Harmonie industrielle de Troyes, la fanfare d’Auxerre, et la fanfare Gravillaise du Havre, les Orphéon de Montreuil-sous-Bois et de Saint-Quentin.
Vers deux heures, un certain nombre de sociétés ont donné un concert sur la place Thiers, en présence d’une assistance considérable qui a fait aux musiciens l’accueil le plus chaleureux. Ce concert a précédé la distribution des récompenses que M. Lardin de Musset, sous-préfet du Havre, a présidé, ayant auprès de lui M. Leborgne, maire de Fécamp, les autorités et les membres du jury. Après plusieurs discours très applaudis, lecture a été donnée du palmarès que nous publierons dans un prochain numéro.
Dans la soirée, la ville présentait la plus vive animation : les édifices publics et la plupart des maisons étaient brillamment illuminés. A la suite du feu d’artifice qui a été très réussi, la foule s’est transportée sur les bords du bassin où a eu lieu la fête nautique annoncée. Cette fête a été le couronnement de ces deux journées si bien remplies, et les visiteurs ont quitté Fécamp enchanté de l’accueil chaleureux qui leur avait été fait et emportant le meilleur souvenir des fêtes auxquelles ils venaient d’assister.