ON NE DEVRAIT PAS VIEILLIR
On n’devrait pas vieillir quand on n’a pas d’fortune
On n’devrait pas blanchir quand on n’a pas un sou
Allons, va ! Jeun’ guenille, subis ton infortune ;
Tout cela finira quand tu s’ras dans l’grand trou
Mais bon dieu ! que fait-on sur la terre,
Vivre sans pain, sans gite et sans souliers ;
Etant jeune on se fiche d’la misère
On n’devrait pas vieillir quand on est ouvrier
Avoir des cheveux blancs, c’est l’entrée aux galères ;
Avoir des cheveux blancs, oui c’est perdre son pain.
C’est la double souffrance : vieillesse et misère ;
C’est l’horrible tableau, un vieillard mourant de faim.
Etre vieux c’est casser sa machine
Pour le patron, c’est êtr’une bête estropiée
On accepte un salair’ de famine,
On n’devrait pas vieillir quand on est ouvrier
Quand, tout à fait usé, la force vous abandonne,
Brisé par la fatigue, on tomb’ sur le chemin ;
Alors, sans perd’ de temps ; vit’ le patron oprdonne
Et dit : “Faudrat l’changer, cet homme finira d’main.
Triste épave, on reste sur la route,
Le cœur meurtri et l’esprit sans raison ;
Et parce qu’on demand’ une croûte,
La justice vous condamne à six mois de prison !
A vous qui gouvernez la France, la République,
A vous les députés ; à vous les sénateurs ;
Oui c’est à vous, messieurs, que je fais cet’réplique,
Au nom de ceux qui viv’ dans l’éternel malheur
Quand dans un pays com’ la France
On interdit la mendicité ;
Qu’on interdise d’abord la souffrance
Et qu’on met’ en pratique le mot : fraternité.
BIBI J’ M’EN F…..
I
Je suis un garçon philosophe,
Vivant tranquille, au jour le jour.
Ma carcasse est en bonne étoffe,
J’ai bon œil et ne suis pas sourd.
Sans logis, sans pain, sans famille,
J’ n’ai à m’occuper que d’ma peau
Que j’couche dehors ou au dépôt
Qui qu’ ça fait pourvu que j’ roupille !
Refrain
De la Vilette au gros-Caillou
On m’appelle Bibi j’ m’en f…
Pour moi la vie est toujours rose,
Car plus elle change plus c’est la même chose !
II
A vingt ans, aux femmes j’ savais plaire ;
En c’temps là j’ai connu l’amour.
Puisqu’il faut, riche ou prolétaire,
Qu’on soit jobard chacun son tour.
La femme qu’on prend, la femme qu’on change
S’ moque de vous comme l’autre s’est moquée ;
Et c’est toujours le même chiqué.
Ça n’vaut pas la peine qu’on s’ dérange.
Refrain
Maintenant j’ peux plus en fiche un coup
L’amour ! ça m’ laisse froid mais j’ m’en f…
Ça m’fait même des économies
D’ bouquets de violet’ et d’ pharmacie.
III
Afin d’ s’habiller comme la masse,
On s’étrangle dans des cerceaux,
On s’étouffe dans des cuirasses,
On s’ broie les pat’ dans des fourreaux.
C’est la mode. On la suit docile,
Moi j’ rigole en voyant les gens
Eprouver le besoin urgent
D’ ressembler à d’autres imbéciles.
Refrain
Avec ma p’lure sans ch’mise dessous.
J’ suis pas dans la mode mais j’ m’en f….
Quand c’est l’air d’un idiot qu’on s’donne,
Moi j’aime mieux r’sembler à personne
IV
Mes brav’ gens, voilà mon histoire,
Elle n’est pas enviable, ma foi !
Et cependant pourriez-vous l’croire,
Y’ en a d’ bien plus malheureux qu’moi.
Avec ceux-là j’ partage ma miche,
Mon crouton de pain sans hésiter,
L’égoïsme est une qualité
Que les gueux abandonnent aux riches.
Refrain
J’ai bon cœur c’est pourquoi partout
On m’estime. Moi Bibi j’ m’en f….
Et je n’changerai pas ma misère
Pour le cœur sec de beaucoup d’millionnaires.