FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE DANS LA RUE
Dernière mise à jour : 20 février 2017


LE CORTÈGE

 

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Place des Halettes. – Les voitures.- Les spectateurs.- un beau cortège.

 

      Dimanche :
 

     Ce matin, les fécampois se sont réveillés de bonne heure, et leur premier mouvement fut de se précipiter aux fenêtres pour voir le temps. Dieu merci, le ciel était d’une limpidité de cristal, et le soleil brillait, radieux et chaud : la journée serait belle. En hâte, on acheva les derniers préparatifs.

Au reste, il y a déjà, ce matin, des réjouissances. Les excellentes musiques de Goderville (chef, M. Souloumiac) et de Gonneville-la-Mallet (chef, M. Gourdain) sont arrivées, vers dix heures, pour prêter un concours des plus gracieux à la fête de Fécamp, et elles ont accepté de donner chacune un concert. On s’y rend en foule.
 

     Place du Bureau de port, c’est la musique de Goderville qui se fait applaudir par une parfaite interprétation des partitions suivantes :
Allegro militaire ; Algésiras, fantaisie mazurka (Sciupi) Fantaisie sur la “Mascotte” (Audran) ; Régina, polka (Boullet) ; Petite Fantaisie de Concert (Bidaine) ; Ma Normandie (Bérat).

 

     Et l’on fait fête également aux excellents musiciens de Gonneville, qui exécutent avec brio, place des Halettes, le programme suivant :
Marche des tireurs Français ; Stella, ouverture ; Gyptis, fantaisie ; Rossignol, polka imitative.

Puis, comme midi approche, les cafés sont envahis ; les garçons ne savent plus où donner de la tête : on trinque au succès de la journée. La fête des fleurs est commencée.
 

     C’est à une heure, place des Halettes que tout le monde se retrouve. Voir la liste des voitures engagées.

    Voici MM. Les membres du Comité qui arrivent, ainsi que les représentants de la force publique, MM. Chapelaud et Michel. Presque aussitôt, on signale l’arrivée de la première voiture, que précèdent deux bicyclettes fleuries. Nous publions plus loin la liste des voitures ; mais il me faut noter, au hasard de leur passage, les numéros les plus saillants, soit par leur joliesse, soit par leur originalité.

 

     Voici une nounou, fort joliment costumée ma foi, qui conduit –et avec quelle gravité, ma chère – une minuscule et délicieuse voiture de poupée. L’arrivée de M. J. Devaux dont la voiture est attelée de deux beaux poneys en flèche, fait sensation. Un dirigeable fend les airs, et l’on acclame son élégante parure ; un ballon le suit – symbole ou ironie ! Un joli bateau fleuri et tout de blanc vêtu, précède une coquette ferme normande, dont le toit de chaume est paré de mille fleurs. On s’est ingénié à trouver des motifs originaux. Tel, par exemple, ce papillon dont les ailes s’ouvrent et se ferment ; tel encore ce moulin qui tourne au vent et agite ses grands bras de tulles et de rubans au-dessus de la foule qui applaudit. Trouvez-moi, également, quelque chose de plus gracieux, de plus aimable que cette “pergole” dans laquelle ont pris place de gentes fillettes aux yeux clairs et aux bouches rieuses : on a acclamé ce petit chef-d’œuvre de grâce et d’élégance, et rien n’était plus mérité.
 

     Et puis, si je voulais vous détailler par le menu tout ce qu’il y avait à admirer dans ce bel ensemble de voitures et de bicyclettes, je n’aurais certes pas assez de la place réservée à mon compte-rendu. Il y aurait mille et une chose à dire sur chacun des “numéros” prenant part au cortège, et je ne serais pas assuré encore d’avoir exprimé, comme il conviendrait, le charme exquis de ces jardins ambulants.
 

     Les musiques, elles aussi, se hâtent vers le rendez-vous et prennent leur place dans le cortège qui se forme. Pourtant, et tandis que les commissaires achèvent leur classement et donnent un dernier coup d’œil aux voitures, l’Harmonie de la Bénédictine et la musique Municipale se font alternativement applaudir par un public charmé et déjà plein d’entrain. Mais il est l’heure. Les rangs se forment, les tambours battent avec énergie : le cortège se met en route entre deux rangs pressés d’admirateurs. Boum, Boum, chante la grosse caisse ; et au son d’un allégro entraînant, nous voici dans la rue Alexandre-Legros.

 

     En route pour la place Thiers. Un peu avant l’antique carrefour du bail, je me suis arrêté et j’ai laissé passer une partie du cortège. Le coup d’œil est féerique ; de chaque côté de la rue, les magasins décorés ont une allure pittoresque et charmeuse, et la longue théorie des voitures, qui monte la rue Alexandre Legros, semble un immense ruban fleuri, sur lequel les costumes des musiciens jettent leur note sombre. Dominant le tout, le soleil brille, et ses rayons se jouent dans les perles et les paillettes de certaines voitures qui scintillent comme autant de petits diamants jetés là, au hasard, par la main d’une fée bienfaisante. C’est exquis.
 

     Détail curieux, la foule reste sur les trottoirs, et malgré qu’il n’y ait pas de police ni de barrages, personne ne songe à rompre l’harmonie du cortège. C’est une constatation agréable à faire ; elle dénote dans la population un esprit excellent et surtout un désir très vif de collaborer, dans la mesure du possible, à l’œuvre entreprise – et avec tel talent – par la Société Commerciale. Il en sera ainsi tout le long du parcours. On ne saurait trop s’en réjoui

Place Thiers, premier arrêt. Savamment, les voitures évoluent autour de l’immense place ornée de mâts vénitiens et de drapeaux. Cela fait bientôt plusieurs rangs, entre lesquels le public circule, heureux de contempler un instant, et d’un peu plus près, les modèles d’élégance qu’ils ont applaudis tout à l’heure.

     La place est bientôt noire de monde, tandis que les curieux sont légions aux balcons et aux fenêtres des maisons voisines. De cette foule une rumeur monte, joyeuse et plaisante ; les figures sont radieuses, les yeux brillants, et l’on n’entend de toutes parts que des cris de plaisir, des exclamations admiratives et des éclats de rire. Je vous garantis que l’on s’amuse ferme, sur la grande place, devenue subitement trop petite, et qu’il ne se trouve personne pour ne pas féliciter les organisateurs d’une si belle fête.

 

   
      Mais chut, les conversations particulières se taisent un instant, le silence s’établit : la Musique Municipale Les Enfants de Fécamp vient de prendre place sur l’estrade. Avec beaucoup de sûreté, elle interprète un allégro. Tandis qu’on l’applaudit, elle cède sa place à l’Harmonie de la Bénédictine. Celle-ci, dont l’éloge n’est plus à faire, nous donne une
délicieuse redowa, de Bru qui parait plaire énormément aux auditeurs.

Puis ce sacrifice étant fait aux divinités musicales, le cortège se reforme pour continuer sa route. Mais le teuf-teuf d’une auto se fait entendre : c’est la voiture de M. Ernest Delaunay qui vient prendre sa place au cortège et faire admirer le papillon de son capot et le gros palmier qui trône au milieu des fleurs. Par la rue Théagène-Boufart, le cortège gagne la digue. Le long du parcours, la foule applaudit à outrance, les principaux sujets sont acclamés. Les voitures d’enfant surtout ont leur succès coutumier ; et, regagnant la tête du cortège, je vois des mamans radieuses, dont les yeux sont embrumés de larmes de joie, parce que d’une fenêtre voisine, on vient d’acclamer leurs chéris… 

 


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