Depuis quelques années, la ville de Fécamp se trouve dépourvue de sociétés musicales : cet état de choses est doublement fâcheux et cela tient à ce que malheureusement l’administration municipale n’a point patronné positivement ces sociétés, qui rendent toujours de grands services non-seulement au pont de vue moral, mais encore au point de vue financier ; exemple ; les sociétés Mélophile et l’Orphéon de Fécamp ont versé dans les caisses municipales et de la marine, une somme approximative de 8 à 10 mille francs ; deux société rivales ne pouvaient durer bien longtemps, chacune d’elles ayant à payer un directeur et ne possédant pour cela que les cotisations des membres honoraires, il est arrivé ceci : que ces membres souscrivant pour deux sociétés, finissent par se fatiguer, et lesdites sociétés, à bout de ressources, ne pouvaient exister ; un autre inconvénient se présentait qui n’a pas peu contribué à l’extinction, le voici :
Notre ville, quoique très-importante, possède peu d’éléments musicaux, le peu qu’il y avait eût certainement suffi pour faire une très bonne société, mais forcé de le séparer en deux, cela devenait insuffisant tant au point de vue de l’exécution qu’à celui de la discipline, à cause de la mauvaise entente qui régnait dans chaque société ; ainsi pour la moindre peine infligée à un sociétaire ayant enfreint le règlement, il quittait la société pour entrer dans celle rivale, entrainant avec lui, quelque fois et même souvent, des camarades ; de là un vide dans les parties obligées ; dégoût des autres membres par la mauvaise exécution qui en survenait malgré la bonne volonté du directeur.
La fanfare des pompiers, qui est composée de très-bons éléments, décroit chaque jour privée d’un directeur capable ; j’appellerai l’attention du conseil municipal sur ce point surtout. La Fanfare des Sapeurs-pompiers, reconnue une institution d’une utilité incontestable, composée d’hommes dévoués et de bonne volonté, a cependant besoin d’une bonne fanfare qui fasse distraction aux exercices et embellisse les revues ; il y aurait à craindre que cet élément lui manquant, les réunions finiraient par devenir monotones, l’attrait de la musique n’existant plus, la froideur se glisserait peut-être dans les rangs, ce à quoi je trouve qu’il est grand temps de remédier.
La musique, il faut bien le reconnaître, tend à se généraliser, la plus petite bourgade a sa fanfare municipale, protégée et soutenue par l’administration et, de plus encouragée par les habitants comme membres honoraires ; ne serait-il pas déplorable qu’une ville comme la nôtre, aussi pleine d’avenir n’ait pas une bonne société musicale, tandis que, je le répète, à côté de nous, chaque petit bourg possède la sienne.
Il est donc incontestable qu’à Fécamp une société musicale est très utile, elle peut exister étant installée sur de très-bonnes bases, mais à la condition d’être sous le patronage direct de l’administration municipale ; il faut pour cela qu’une commission, prise au sein du conseil, soit nommée et organise la société en faisant appel à tous ceux qui ont fait partie des précédentes, rédige un règlement et veille à son exécution.
La chose principale est la direction, il faut un homme remplissant non-seulement les conditions de capacité, mais encore d’honorabilité et d’un dévouement à toute épreuve. Il est de toute nécessité que ce directeur, si vous exigez ces qualités, soit assuré d’un traitement fixé par la ville ; autrement un homme capable et sérieux ne consentira pas à se déplacer pour une position aventureuse.
Une bonne occasion se présente : un artiste, paraissant réunir les conditions désirables de capacité et d’honorabilité (voir les certificats qui l’attestent), s’offre de venir habiter notre ville moyennant un traitement de 1 500 francs, il est marié et père de famille, c’est déjà une garantie de stabilité qu’il faut prendre en considération.
Il est facile, à mon point de vue, de lui assurer cette somme. En voici les moyens : Instituer dans chaque école communale un cours de musique vocal pour développer le goût de cet art dans notre localité et surtout au pont de vue de la moralisation des masses, ce serait dans l’avenir une grande ressource pour fournir des éléments à notre société. Je crois que l’administration pourrait affecter une somme de 300 francs. Le chef de la Fanfare des pompiers touche 300 francs. Les sociétés Mélophile et l’Orphéon touchaient approximativement de leurs membres honoraires, mille à douze cents francs. Il faut admettre la possibilité de réunir pour une société, sous le patronage de l’administration, au moins cent honoraires à dix francs, ce qui ferait, joint aux chiffres précédents, la somme de seize cents francs.
Voici donc plus qu’il n’en faut, et la ville n’aurait qu’un très-léger sacrifice à faire et même pas du tout, puisque si l’on veut envisager sur un autre point de vue, cette société peut donner annuellement, outre les soirées de ses membres honoraires, deux concerts au profit du bureau de bienfaisance, dont le résultat peut être évalué en moyenne de cinq à six cents francs chaque, frais déduits, on retrouverait donc par cela seul, grandement la somme votée pour assurer le traitement d’un professeur de musique, directeur d’une société chorale, et un chef pour la Fanfare des pompiers.
Je ne terminerai pas sans faire valoir un autre avantage qui serait de posséder, pour la saison des bains, un chef d’orchestre capable attaché à la ville, qui coûterait moins cher, puisqu’il n’y aurait pas de déplacement et qui pourrait par la suite, apporter une notable économie dans l’orchestre du Casino. Si l’exposé ci-dessus ne suffisait pas pour démontrer l’urgence de posséder cet artiste, je crois que ce dernier argument suffira pour décider le vote du conseil.
Signé : Maze.
Sur les observations de M. Marchand qui ne pense pas que le nombre des membres honoraires s’élève au chiffre où il est porté, et sur celles de M. Duhamelet, qui dit qu’avant de s’engager il serait bien que l’administration eût un entretien avec M. Bartholomens, afin de s’entendre définitivement, s’il y a lieu, avec lui, ce qui ne peut être fait facilement par correspondance. Le conseil admet le principe de la création de ladite société et ajourne son vote définitif de constitution de ladite société jusqu’à ce que le postulant ait bien été entendu par la commission spéciale nommée à cet effet et qui est composée de MM. Maze, Houlebrèque, Hue, Renaud et Chédru.